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Dans la capitale du Soudan du sud, les pinceaux et les chants s'attaquent à la guerre


Des soldats ougandais sont en route pour évacuer les citoyens après les altercations à Juba au Soudan du sud, le 14 juillet 2016.
Des soldats ougandais sont en route pour évacuer les citoyens après les altercations à Juba au Soudan du sud, le 14 juillet 2016.

Des colombes s'échappant du canon d'une kalachnikov, un enfant cousant des drapeaux sud-soudanais, des crayons brandis en guise d'armes: des fresques aux couleurs vives ont récemment fait leur apparition sur les murs de la capitale sud-soudanaise Juba, expression du ras-le-bol de la guerre ravageant le pays depuis des décennies.

A l'origine de cette protestation picturale, le collectif d'artistes #AnaTaban (Je suis fatigué, en arabe) qui rassemble des peintres, mais aussi des musiciens racontant leur exaspération en chanson et des acteurs jouant le triste quotidien des Sud-soudanais.

Sur les murs en tôle d'une boulangerie ou sur ceux d'un conteneur faisant office de centre culturel, les appels à la paix se sont multipliés dans les rues chaudes et humides de cette capitale bordée par le Nil Blanc et théâtre pas plus tard qu'en juillet de combats à l'arme lourde.

"Les jeunes fatigués sont ceux qui recoudront les pièces de notre nation déchirée", explique le collectif au sujet d'une fresque montrant un enfant en marcel, affairé sur une machine à coudre et cousant bout à bout des drapeaux sud-soudanais.

Sur Twitter, #AnaTaban se définit comme "une communauté de jeunes créatifs sud-soudanais fatigués de voir leur peuple souffrir".

Plus jeune nation du monde, le Soudan du Sud est devenu indépendant en 2011 après des décennies de guerre. Mais le pays a plongé en décembre 2013 dans un conflit politico-ethnique ayant fait des dizaines de milliers de morts, plus de 2,5 millions de déplacés et marqué par d'innombrables viols et autres atrocités.

Plus d'un tiers de la population fait face selon l'ONU à une insécurité alimentaire "sans précédent", et les autorités locales empêchent l'ONU et les humanitaires d'accéder à des zones dans le besoin.

Alors que la paix semble plus éloignée que jamais, une quarantaine d'artistes ont fondé #AnaTaban avec le soutien de compatriotes exilés, et espèrent s'étendre rapidement vers d'autres villes du pays, comme Wau et Aweil (nord-ouest), ou encore Yei (sud) et Yambio (sud-ouest).

'Artivisme'

"#AnaTaban crée une plateforme permettant à d'autres jeunes Sud-soudanais de faire entendre leurs voix, de dire ce qu'ils pensent afin que nous ayons une paix durable dans ce pays", explique Joyce Maker, actrice et co-fondatrice du mouvement.

Les musiciens de #AnaTaban ont eux enregistré leur première chanson - https://youtu.be/U8F8rc3kf9k - et en préparent une autre intitulée #AnaMalesh (Je suis désolé, en arabe).

Le collectif a prévu pour les prochaines semaines une série d'événements publics dans les rues de Juba, mais aussi dans des hôpitaux, des prisons et des écoles de Juba.

"Ce qui se passe actuellement au Soudan du Sud, c'est la corruption, la guerre, le conflit", regrette le peintre et dessinateur Thomas Dai. "Nous ne voulons plus de ces choses néfastes et c'est ce que nous souhaitons montrer aux gens dans la rue à travers l'art, la peinture, les graffitis".

Le 12 septembre, un rapport de la fondation américaine The Sentry, co-fondée par l'acteur George Clooney, a accusé l'élite politique et militaire du Soudan du Sud de s'être enrichie en profitant de la guerre civile, dont le "principal catalyseur" est la lutte pour "le contrôle des abondantes ressources naturelles du pays", notamment le pétrole.

Selon le poète et rappeur Asif Kafi, #AnaTaban "véhicule un message de paix et de réconciliation" et se livre à un mélange d'art et d'activisme, "de l'artivisme!".

Avec AFP

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