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La bataille du nom n'est pas encore gagnée dans l'ex-Swaziland rebaptisé eSwatini


Le roi Mswati III, au milieu, lors du festival de danse royale annuelle du roseau au palais Ludzidzini de Lobamba, au Swaziland, le 28 août 2016.
Le roi Mswati III, au milieu, lors du festival de danse royale annuelle du roseau au palais Ludzidzini de Lobamba, au Swaziland, le 28 août 2016.

"Université de..." Devant le campus de Manzini, les neuf lettres de Swaziland ont été effacées il y a un mois mais celles du nouveau nom que le dernier monarque absolu d'Afrique a choisi de donner à son royaume ne les ont toujours pas remplacées.

"Nous attendons toujours" un nouveau panneau, grommelle un agent de sécurité en faction à l'entrée principale.

Il faut dire que le capricieux Mswati III a surpris son monde lorsqu'en avril, il a profité du cinquantième anniversaire de l'indépendance de son pays pour annoncer, à la surprise générale, qu'il l'avait rebaptisé en eSwatini.

Le "pays des Swazis" dans la langue des colons britanniques est resté le "pays des Swazis" mais cette fois dans l'idiome local. Et pour Sa Majesté, ça change tout.

"Le Swaziland est le seul pays à avoir conservé son nom de l'époque coloniale", a-t-il justifié, "à partir de maintenant, le pays s'appellera officiellement le royaume d'eSwatini".

Pris au dépourvu par l'initiative royale, les 1,3 million de sujets de Mswati III ont mis du temps à s'en accommoder.

"J'aime bien, ça fait plus africain", estime aujourd'hui Banele Syabonga, le client d'un salon de coiffure de la deuxième ville du pays, Manzini. "Swaziland était le nom donné par les Anglais, maintenant nous avons notre propre nom".

Sitôt la décision royale annoncée, la logistique a suivi plutôt rapidement. Six semaines après son discours, son ambassadeur en informait le quartier général de l'ONU à New York, qui s'est empressé d'adopter la nouvelle appellation.

L'Union africaine (UA) et la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) ont fait de même.

Dans le pays, les institutions ont été plus lentes à appliquer l'édit royal. Le fronton de certains commissariats de police y reste encore aujourd'hui barré du nom Swaziland, de même que les billets de banque.

- "Plaisir du roi" -

Quant aux fonctionnaires, il n'est pas rare qu'ils se trompent toujours de patronyme en évoquant leur pays.

De quoi donner des arguments aux réfractaires qui refusent catégoriquement de se plier aux ordres du monarque. Inflexible, le défenseur des droits de l'Homme Thulani Maseko a ainsi porté l'affaire devant la justice, au nom de la vérité historique.

"Il y a un désaccord sur le nom d'avant la colonisation. Beaucoup disent que c'était Ngwane", plaide-t-il.

Ngwane désigne le peuple du royaume au XVIIIe siècle, en référence au roi Ngwane III. Le pays est devenu Swaziland avec Mswati II, qui a régné entre 1840 et 1868. Et les Britanniques ont gardé son nom en prenant les rênes du pays en 1907.

Mais si Thulani Maseko a saisi la justice, c'est surtout au nom des libertés. Même si cela lui a déjà coûté un séjour de quinze mois dans les geôles royales (2014-2015), il refuse de céder aux diktats d'un roi qu'il considère comme un dictateur.

"Le nom d'un pays est son identité, il ne doit pas être changé par le seul plaisir du roi, assène-t-il, cette histoire prouve qu'il ne consulte pas le peuple avant de prendre ses décisions importantes".

Les élections parlementaires du mois dernier dans le nouvel eSwatini ont été largement dénoncées comme une mascarade. Le Parlement qui en est issu et toutes les institutions restent entièrement à la botte de Mswati III, milliardaire à la tête d'un des pays les plus pauvres du continent.

M. Maseko ne se fait donc guère d'illusion sur ses chances de succès devant des juges nommés par le roi.

Mais même si son recours est rejeté, il faudra bien quelques mois de plus à la population et aux entreprises du royaume d'eSwatini pour se mettre à la page.

Thoko Nkambule, 50 ans, vend encore aux touristes des souvenirs barrés du nom Swaziland et compte bien les écouler jusqu'au dernier. "Nous changeons petit à petit, certains clients préfèrent l'ancien nom, d'autres le nouveau", explique-t-elle. Avant de lâcher: "moi, je préfère l'ancien".

Avec AFP

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