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A Paris, un pas positif pour la Libye mais des promesses fragiles


Le maréchal Khalifa Haftar, le président de la Chambre des représentants Aguila Saleh Issa, le chef du GNA Fayez al-Sarraj, et le président du Conseil d'Etat Khaled al-Mechri à l'Elysée le 29 mai 2018.
Le maréchal Khalifa Haftar, le président de la Chambre des représentants Aguila Saleh Issa, le chef du GNA Fayez al-Sarraj, et le président du Conseil d'Etat Khaled al-Mechri à l'Elysée le 29 mai 2018.

La réunion des principaux protagonistes constitue un "pas positif", notamment l'annonce d'élections en décembre, mais la fragmentation du pays et l'absence à Paris de certains acteurs influents rendent les promesses fragiles, estiment des analystes.


Qualifiée d'"historique" par le président français Emmanuel Macron, la rencontre a réuni pour la première fois autour d'une même table le chef du gouvernement d'union nationale (GNA) Fayez al-Sarraj et le président du Conseil d'Etat Khaled al-Mechri, basés à Tripoli, et leurs rivaux de l'est libyen, le maréchal Khalifa Haftar et le président de la Chambre des représentants Aguila Salah.

Ces deux camps se disputent le pouvoir en Libye, chacun contestant la légitimité de l'autre, au milieu d'une myriade de milices qui changent d'allégeance selon leurs intérêts et font régner un climat d'insécurité chronique.

>> Lire aussi : Macron réunit mardi à Paris les responsables libyens pour préparer les élections

Riche pays pétrolier, la Libye est en proie au chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011 et ses côtes sont devenues un point de passage vers l'Europe pour nombre de migrants africains.

A Paris, les quatre personnalités libyennes ont endossé une déclaration orale prévoyant notamment l'organisation d'élections législatives et présidentielle le 10 décembre et le respect de leurs résultats, ainsi que l'unification des institutions, dont la banque centrale.

Le texte n'a pas été signé, illustrant sa fragilité. Une signature s'avérait compliquée entre des acteurs qui "ne se reconnaissent pas mutuellement", a concédé M. Macron.

"Mais même si la déclaration avait été signée, nous savons combien de politiciens (libyens) ont déjà failli à leur engagement", remarque Rachid Khechana, directeur du Centre maghrébin d'études sur la Libye, basé à Tunis, citant notamment l'accord interlibyen de 2015 qui a donné naissance au GNA mais n'a pas été respecté par plusieurs signataires.

-"Grande influence"-

M. Khechana estime par ailleurs que les quatre personnalités réunies à Paris "ne sont pas les seuls décideurs" libyens et souligne l'absence d'acteurs "de grande influence, dont les chefs tribaux et les groupes armés".

Dans l'ouest, "certains de ces groupes sont plus influents que le (GNA) lui-même", dit-il.

Pour le centre d'analyses International Crisis Group (ICG), "la réunion de Paris risque d'être contre-productive sans un consensus plus large incluant d'autres acteurs politiques et militaires".

L'ICG souligne notamment l'absence de la ville de Misrata, hostile au maréchal Haftar, et qui compte les groupes armés les plus puissants de l'ouest libyen.

Invité à Paris, le vice-Premier ministre Ahmed Meitig, qui représente Misrata au GNA, s'est fait excuser, selon un de ses conseillers.

>> Lire aussi : Le chaos en Libye depuis la chute de Kadhafi

Le général Ibrahim ben Rjab, chef du conseil militaire de Misrata, a indiqué que sa ville avait boycotté la réunion en raison de la présence de M. Haftar, accusé de vouloir instaurer une dictature militaire en Libye.

Haftar "n'avait rien à faire à Paris. (...) Il n'a aucun statut officiel", a-t-il dit.

L'initiative française suscite dans l'ensemble la méfiance de groupes et personnalités hostiles au maréchal Haftar, qui estiment que Paris n'est "pas neutre" et accusent la France de vouloir imposer un militaire sur la scène politique libyenne.

- "Irréaliste" -

"La solution en Libye est strictement liée aux groupes armés", assure de son côté Federica Saini Fasanotti du Brookings Institute à Washington.

Selon elle, la crise en en Libye ne sera pas résolue tant que la communauté internationale insistera pour traiter avec "des dirigeants politiques qui ne sont pas pleinement reconnus sur le terrain".

Des analystes se disent par ailleurs sceptiques quant à la possibilité de tenir des élections le 10 décembre.

"D'un point de vue purement technique, c'est irréaliste. Ni le cadre juridique, ni le cadre constitutionnel ne sont en place et il paraît difficile de surmonter cet obstacle à court terme", estime l'ICG.

L'organisation de défense des droits humains HRW considère, elle, que "le cadre légal pour la tenue d'élections reste opaque."

A Paris, les quatre responsables libyens se sont engagés à trouver une "base constitutionnelle" pour ces élections avant le 16 septembre, sans décider si cela passerait par un référendum sur le projet de constitution proposé par l'Assemblée constituante en juillet 2017.

Mais ce processus, très contesté, pourrait prendre beaucoup plus de temps que prévu, affirment des analystes et responsables libyens.

Si "les résultats de la réunion de Paris sont bons", ils "resteront des mots et des souhaits sur du papier en l'absence d'un mécanisme clair pour les appliquer", résume ainsi Fathi Bach Agha, un député de Misrata.

Avec AFP

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