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La jeunesse abstentionniste se sent "responsable" d'avoir placé l'extrême droite en tête au Chili


Une femme vote dans un bureau de vote lors des élections présidentielles à Santiago, au Chili, le 21 novembre 2021.
Une femme vote dans un bureau de vote lors des élections présidentielles à Santiago, au Chili, le 21 novembre 2021.

De nombreux jeunes Chiliens qui se sont abstenus dimanche au 1er tour de la présidentielle plaçant en tête le candidat d'extrême droite José Antonio Kast, nostalgique de la dictature d'Augusto Pinochet, s'estimaient "responsables" lundi matin et assuraient que, cette fois, ils iront voter au second tour.

Sebastian Miranda avait décidé dimanche d'accompagner sa petite amie remplir son devoir électoral dans le centre de Santiago. Inscrit dans la région de O'Higgins, à 90 km de là, il avait choisi de ne pas voter.

"Aucun d'entre eux ne me représente", se justifie auprès de l'AFP cet homme de 32 ans, qui dirige une petite entreprise.

Mais une fois connu le résultat du scrutin plaçant l'avocat d'extrême droite du Parti républicain, José Antonio Kast, en tête avec 27,91% des suffrages pour disputer le second tour le 19 décembre au député de gauche Gabriel Boric (25,83%), Sebastian a eu le sentiment d'avoir fait une "erreur".

"Le fait que Kast ait gagné m'a fait me sentir mal, je me suis senti super responsable de ne pas être allé voter", raconte-t-il.

"On a peur que le (candidat) républicain gagne", abonde Natalia, une dentiste de 30 ans, abstentionniste et "déçue" par les millions de chiliens ayant voté pour celui qui se revendique admirateur du président brésilien Jair Bolsonaro ou de l'ex-président américain Donald Trump.

Si un premier sondage sur les intentions de vote au second tour place les deux finalistes au coude-à-coude chez les personnes ayant voté au 1er tour, la différence entre les défenseurs de deux visions antagonistes du Chili devrait se jouer dans leur capacité à mobiliser ces abstentionnistes.

Dimanche, seuls 47% des 15 millions d'électeurs chiliens se sont rendus aux urnes, un taux conforme à l'abstentionnisme récurrent au Chili depuis au moins 2012, date depuis laquelle le vote n'est plus obligatoire.

L'historique taux de participation de 49,2% a été atteint lors du référendum d'octobre 2020, fruit de la révolte sociale de 2019, qui a plébiscité à 78% la rédaction d'une nouvelle Constitution pour remplacer l'actuelle héritée de l'ère Pinochet.

- "Valeurs" -

Pour Vicente Inostroza, analyste politique à l'université Diego Portales, "le faible taux de participation dans les zones rurales est frappant, et plus le niveau socio-économique est élevé, plus la participation est importante".

L'absence des jeunes dans les bureaux de vote contraste avec leur mobilisation dans les rues durant le mouvement social de 2019 contre l'augmentation du ticket de métro, puis pour réclamer une société plus égalitaire.

"Il y a un pourcentage de jeunes qui ne s'identifient à aucun camp, ni à droite ni à gauche, et aucun des candidats n'a su tirer profit de leur vote", estime Pablo Gonzalez, professeur d'université de 28 ans.

"Je n'aime aucun des deux candidats mais j'ai des valeurs différentes avec Kast, j'ai trop peur qu'il gagne, des choses terribles pourraient arriver", ajoute le jeune homme.

José Antonio Kast, 55 ans, catholique conservateur père de neuf enfants défendant un programme économique ultra-libéral, est opposé à l'avortement, au mariage pour tous, et appelle à la construction de "tranchées" aux frontières pour empêcher l'entrée d'immigrants illégaux.

Il est aux antipodes de l'ancien dirigeant étudiant de 35 ans, Gabriel Boric, qui propose l'abandon du modèle néolibéral de l'actuel président conservateur Sebastian Piñera et souhaite instaurer un Etat-providence.

Pour les deux candidats, une réserve de voix existe chez les électeurs des partis traditionnels de droite et de centre gauche, qui ont gouverné le pays depuis la fin de la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990) et se sont effondrés dimanche.

Sebastian Sichel, le candidat du camp Piñera qui ne pouvait pas se représenter après deux mandats (2010-2014, 2018-2022), est arrivé en quatrième position (12%). Yasna Provoste, représentante de la démocratie-chrétienne de centre-gauche, est cinquième (11%).

Mais tout pourrait se jouer autour du report des 800.000 voix de Franco Parisi, un populiste arrivé troisième (13%) malgré une campagne menée depuis les Etats-Unis, durant laquelle il a inlassablement critiqué la classe politique traditionnelle et l'élite chilienne qu'il rend responsables de la santé économique du pays.

Selon l'analyste politique Marcelo Mella, ce 1er tour est "fondamentalement un vote anti-partis et (M. Parisi) est le candidat qui l'exprime le mieux".

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