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La menace des divisions d'un groupe armé à Bria


Des ex-combattants Séléka à Bria, en Centrafrique, le 25 février 2017. (VOA/Freeman Sipila)
Des ex-combattants Séléka à Bria, en Centrafrique, le 25 février 2017. (VOA/Freeman Sipila)

A Bria, dans l'est de la Centrafrique, "on ne peut pas savoir qui est ami et qui est ennemi", dit un officier du plus grand groupe armé du pays, après les combats meurtriers qui ont opposé ce week-end des miliciens de différentes ethnies, y compris dans ses propres rangs.

Cette nouvelle flambée de violences, qui a opposé des miliciens membres de l'ethnie rounga à ceux des ethnies kara et goula, a fait des dizaines de morts dans cette ville diamantifère au cœur des convoitises et des conflits d'un pays ravagé par trois guerres civiles en vingt ans.

Bria n'avait plus connu de tels affrontements depuis la signature d'un accord de paix entre le gouvernement centrafricain et 14 groupes armés le 6 février.

Mais cette fois, une partie des combattants des deux bords sont issus des mêmes rangs : ceux du Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC). Le plus grand groupe armé du pays rassemblait à sa création en 2014 plusieurs ethnies originaires du Nord-Est, qui s'affrontent désormais.

A Bria, les officiers du FPRC eux-mêmes peinent à s'y retrouver: "On a retiré tous nos éléments du quartier, parce qu'on ne peut pas savoir qui est ami et qui est ennemi", assure le général Dambousha, un fidèle d'Abdoulaye Hissène, le chef militaire rounga du FPRC.

En temps de paix, déjà, Bria est un imbroglio politico-économique difficile à décrypter : cinq groupes armés y cohabitent, chacun régnant sur un quartier selon leur communauté d'appartenance.

Cinq micro-Etats où les miliciens prélèvent des taxes et administrent la justice du quotidien sans vraiment se soucier des autorités officielles, incarnées par un maire, un préfet et quelques militaires sans moyens.

Riche en diamants et placée au carrefour des échanges avec les deux Soudan et le centre du pays, Bria représente une manne indispensable pour les mouvement rebelles.

Depuis toujours, les alliances s'y nouent et s'y dénouent, au gré des intérêts économiques et politiques toujours mouvants dans ce Nord-Est délaissé par le pouvoir de Bangui et particulièrement instable.

En 2018, la signature d'un accord entre plusieurs groupes armés présents dans la région avait permis d'établir un équilibre précaire.

- Délitement au sein du FPRC -

Mais le FPRC est "aujourd'hui confronté à un défi existentiel, car une partie du leadership n'appartient pas à la même ethnie que ses combattants", explique Hans de Marie Heungoup, chercheur à l'International Crisis Group (ICG).

Le chef militaire du FPRC, Abdoulaye Hissène, et plusieurs de ses officiers sont des Rounga. Cette ethnie s'est progressivement imposée dans la taxation des marchandises à la frontière du Soudan, par laquelle transitent notamment les armes, précieuses pour les groupes rebelles.

Une mainmise guère appréciée des Kara, originaires de la préfecture voisine de la Vakaga, plus au nord. Là-bas, depuis juillet, de violents combats opposent le FPRC et le Mouvement des libérateurs centrafricains pour la justice (MLCJ), un groupe armé affilié à l'ethnie kara, qui se disputent le contrôle de la ville de Birao et de la route du Soudan.

"Bria est une répercussion des évènements de Birao", souligne Hans de Marie. En juillet, les Kara de la Vakaga ont signé une alliance avec les Goula.

Cette ethnie majoritaire à Bria a toujours occupé une place importante dans les rébellions successives contre le pouvoir de Bangui.

Or, certains des chefs goulas s'estiment désormais floués par le leadership rounga du FPRC. Autrefois unis dans la rébellion contre le pouvoir de Bangui, Goula et Rounga sont désormais à couteaux tirés.

- Des diamants convoités -

Illustration de ce renversement : Azor Khalit. Ancien du FPRC, ce militaire est l'un des leaders goula les plus influents de Bria.

"Ce qui faisait la force du FPRC, c'étaient les Kara et les Goula", assure celui qui se présente désormais comme le porte-parole du Parti pour le Rassemblement de la nation centrafricaine (PRNC). Un groupe armé formé en mai qui n'a jamais signé l'accord de paix du 6 février avec le gouvernement centrafricain.

Les Rounga "ne nous aiment pas, et pourtant, nous leur avons donné notre terre", affirme-t-il.

Goula et Rounga vivaient côte-à-côte depuis des décennies. Mais à Bria comme dans le reste du pays, les tensions ethniques sont régulièrement instrumentalisées pour servir les intérêts politiques et économiques de chefs de guerre, comme l'a souligné un rapport de l'ONG The Sentry en 2018.

"Les Goula contrôlent beaucoup de mines autour de Bria", explique un diamantaire centrafricain travaillant dans la région. Mais "en ville, la plupart des bureaux de vente de diamants appartiennent à des Rounga. Ce sont des commerçants qui ont établi des réseaux solides avec des acheteurs étrangers, notamment indiens et libanais. C'est l'une des principales raisons qui ont conduit à ces tensions", assure-t-il.

Des tensions qui menacent de dégénérer à nouveau : les humanitaires présents à Bria craignent une reprise des combats dans les prochains jours.

Si les Rounga "attaquent, on va se défendre en conséquence", menace Azor Khalit. "On ne négocie pas avec ces gens. On les neutralise. On les détruit".

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