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Un seul Blanc a retrouvé sa ferme saisie sous Mugabe au Zimbabwe


L'agriculteur Robert Smart accueilli dans sa ferme à Tandi, au Zimbabwe, le21 décembre 2017.
L'agriculteur Robert Smart accueilli dans sa ferme à Tandi, au Zimbabwe, le21 décembre 2017.

Quand des policiers en armes ont chassé Robert Smart de sa ferme en juin dernier sur ordre de proches de l'ex-président du Zimbabwe Robert Mugabe, le monde de Mary Mhuriyengwe s'est évanoui dans l'épaisse fumée des gaz lacrymogènes.

Huit mois plus tard, elle a repris espoir. Son patron, un Blanc, a pu récupérer son exploitation, premier et pour l'heure seul bénéficiaire d'un changement de ton politique initié par le nouveau maître du pays, Emmerson Mnangagwa.

Et Mary Mhuriyengwe a retrouvé sa maison et son travail. "C'est ma seule source de revenus, je n'ai plus d'homme pour m'aider", raconte cette mère de famille de 35 ans qui élève seule ses deux enfants depuis le décès de son mari.

"Ca nous a fait mal quand M. Smart a été expulsé. Nous aussi nous avons dû quitter la ferme", poursuit-elle.

Non contentes d'avoir expulsé son propriétaire, les forces de l'ordre ont aussi délogé de cette ferme de Headlands, à 160 km à l'est de la capitale zimbabwéenne Harare, ses 300 ouvriers noirs et leurs familles. Pendant des mois, tous ont vécu dans les collines environnantes, sans rien ou presque.

Alors en décembre, Mary Mhuriyengwe n'a pu retenir un petit sourire ému lorsque son patron a remis les pieds dans son domaine et repris le volant de son tracteur.

"Nous sommes contents qu'il soit de retour. Pour nous, les souffrances c'est fini".

Robert Smart a lui aussi accueilli la nouvelle de son retour avec un immense soulagement.

- Saccage -

"Nous avions la joie au coeur en rentrant, tous ces gens autour de nous aussi", se souvient-il, "mais c'est très dur de décrire ce que vous ressentez lorsque vous découvrez votre propriété saccagée et qu'il faut repartir de zéro".

Sa maison a été pillée, son matériel agricole, ses semences de tabac, les fertilisants et sa cuve de diesel ont disparu. Ses photos de famille, ses trophées et sa cave de vins millésimés aussi.

L'état du reste de l'exploitation n'est guère plus reluisant. Le bureau où était conservé la comptabilité est devenu un poulailler...

Robert Smart estime le montant total des dégâts et des pertes d'exploitation causés par l'occupation de sa ferme à environ 2 millions de dollars.

"En fait, ils n'étaient intéressés que par les maisons", lâche-t-il, amer. "Pendant les six ou sept derniers mois, ils n'ont pas fait beaucoup d'effort pour produire quoi que ce soit".

Avant ce jour de juin où des proches de l'ex-président ont jeté leur dévolu sur sa propriété, ce Zimbabwéen était l'un des rares fermiers blancs du pays à avoir échappé aux foudres du régime.

En difficulté à la veille des élections de 2002, le "camarade Bob" avait alors engagé une vaste réforme agraire destinée, officiellement, à corriger les inégalités nées de la période coloniale.

En quelques années, environ 4.500 fermiers blancs, qui détenaient l'immense majorité des terres, ont été expulsés, souvent brutalement, au profit de proches du pouvoir et d'ouvriers agricoles noirs, souvent sans équipement ni formation.

- 'Sacré défi' -

Les résultats de sa politique ont été désastreux. La production de ce qui était considéré comme le "grenier à blé" de l'Afrique australe s'est effondrée, plongeant tout le pays dans une grave crise économique dont il ne s'est toujours pas remis.

Même s'il est un ancien cacique de son régime, le successeur de Robert Mugabe - poussé vers la sortie en novembre par un coup de force de l'armée à 93 ans après 37 ans au pouvoir - a décidé de corriger la situation. Notamment pour retrouver la confiance, vitale, des investisseurs étrangers.

Dès son discours d'investiture, M. Mnangagwa s'est engagé à "compenser" les fermiers expropriés, sous une forme à définir.

Il a aussi décidé d'encourager les Blancs à racheter des terres en prolongeant la durée des titres de propriété de 5 à 99 ans. Mais pas question de leur rendre celles qui ont déjà été expropriées. Leur saisie est "irréversible", a-t-il tranché.

"Il y a aura peut-être des évolutions à l'avenir mais pour l'heure je ne vois aucun changement", regrette un ancien éleveur spolié, Mike Clark, "nos problèmes restent les mêmes".

Même s'il fait pour l'heure figure d'exception, Robert Smart, qui a récupéré sa propriété à la faveur d'un conflit entre factions au sein du parti au pouvoir, ne boude pas son plaisir. Mais la partie s'annonce difficile. "Ca va être un sacré défi".

Prudent, il a réembauché 40 de ses anciens employés et replanté 5 de ses 120 hectares pour une première récolte.

Dans sa tâche, il pourra compter sur la population des environs. La parenthèse de son éviction a bouleversé la vie de toute la région, à commencer par celle de l'école primaire.

"Pendant quelque temps, la ferme ressemblait à un champ de bataille", se réjouit un des enseignants, Tecla Muyeye, "alors nous sommes contents que les choses reviennent à la normale".

Avec AFP

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