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Les voix critiques paient le prix fortau Mozambique


Le président du Mozambique Filipe Nyusi, à Berlin, le 19 avril 2016.
Le président du Mozambique Filipe Nyusi, à Berlin, le 19 avril 2016.

Enlèvements, tortures, assassinats: au Mozambique, des voix dissidentes ont payé cher leurs critiques du régime du président Filipe Nyusi. Et la peur a gagné journalistes et militants, qui dénoncent l'impunité dont bénéficient les auteurs de ces crimes.

La dernière attaque du genre remonte au 27 mars. En pleine journée, deux hommes armés circulant à bord d'un véhicule sans immatriculation kidnappent à Maputo le commentateur politique Ericino de Salema. "On va te donner une leçon", le préviennent-ils.

"Ils m'ont frappé, les jambes, les bras et les genoux avec des barres de fer. J'ai crié jusqu'à ce que mes forces me lâchent. Puis ils m'ont laissé" dans la banlieue de la capitale, a-t-il raconté à l'ONG Human Rights Watch (HRW).

Bilan: les deux jambes et un bras cassés.

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Ericino de Salema avait pris des positions très critiques vis-à-vis du gouvernement dans l'émission Pontos de Vista (Points de vue), diffusée sur la chaîne privée STV.

Il est le deuxième invité régulier à ce programme à avoir été torturé en l'espace de deux ans.

En mai 2016, José Jaime Macuane, un universitaire, avait déjà été kidnappé. "Ils m'ont dit qu'ils avaient ordre de me faire boiter", raconte-t-il dans un entretien accordé à l'AFP.

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Ses ravisseurs lui tirent quatre balles dans les jambes, et là aussi, il est abandonné dans la banlieue de la capitale.

"Est-ce une coïncidence si deux personnes qui travaillent comme commentateur pour la même émission sont victimes d'enlèvements, de violences et abandonnées dans la même région, sans qu'on ne leur vole quoi que ce soit ?", s'interroge Jeremias Langa, journaliste pour Pontos de Vista.

Echec

"Il est évident que ce qui leur est reproché, c'est leurs prises de position. A moins que les autorités nous prouvent le contraire", ajoute-t-il à l'AFP.

Les autorités, justement, n'ont toujours pas fait la lumière sur ces enlèvements. "Ça fait deux ans et la seule chose que les enquêteurs m'ont demandée, c'est de fournir un rapport médical", s'insurge José Jaime Macuane.

HRW dénonce "l'échec des autorités à enquêter de façon crédible" sur ces agressions et des assassinats qui les ont précédées.

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En mars 2015, un juriste constitutionnaliste franco-mozambicain, Gilles Cistac, détracteur assumé du Frelimo, le parti au pouvoir depuis l'indépendance en 1975, avait été abattu en plein centre de la capitale mozambicaine.

Quelques semaines auparavant, il avait été la cible d'une campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux et subissait les critiques de médias progouvernementaux.

Cinq mois plus tard, c'était au tour de Paulo Machava, rédacteur en chef d'un journal sur internet, d'être tué par balles dans une rue passante de Maputo alors qu'il faisait son footing.

Les politiques ne sont pas en reste. En octobre 2016, Jeremias Pondeca, membre du principal parti d'opposition Renamo, avait été abattu dans les mêmes circonstances que Paulo Machava.

Un an plus tard, le maire de Nampula (nord), Mahamudo Amurane, membre du Mouvement démocratique pour le Mozambique (MDM), était tué près de son domicile.

"Peur croissante"

Pour le parti d'opposition Renamo, le doute n'est pas permis: ces violences sont "politiquement motivées".

"Si les victimes ne sont pas des membres de l'opposition, ce sont des gens qui disent des choses qui ne plaisent pas au parti au pouvoir", affirme à l'AFP José Lopes, parlementaire de la Renamo. "Il ne peut pas y avoir de liberté d'expression quand les gens sont kidnappés, battus et tués".

Le président Nyusi a récemment concédé que "le Mozambique était un pays où les droits de l'Homme n'étaient pas totalement respectés". "Je ne crois pas que ces attaques menacent la liberté de la presse et la liberté d'expression", a-t-il toutefois ajouté.

"Nous avons des journaux, des radios, des chaînes de télévision, des sites internet où les gens disent librement ce qu'ils pensent", s'est félicité le chef de l'Etat, au pouvoir depuis 2015.

Une amélioration incontestable par rapport à la période du régime de parti unique de 1975 à 1990, quand les journaux privés n'étaient tout simplement pas autorisés.

Sur le terrain pourtant, "la peur est croissante chez les militants", déplore HRW. Deux commentateurs de l'émission Pontos de Vista ont ainsi préféré ne plus y intervenir après avoir reçu des menaces de mort, note l'organisation.

Deux critiques du régime, dont l'ONG a protégé l'anonymat, ont été contraints de déménager, de changer de véhicules et de routine après avoir constaté qu'ils étaient suivis.

"J'ai l'impression que tout ce que je dis est écouté très attentivement", témoigne Fernando Lima, président d'un groupe de médias privés Mediacoop. "Du coup, je suis très prudent, je pèse vraiment mes mots".

Avec AFP

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