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Amende en France pour un activiste dénonçant le "pillage" culturel de l'Afrique


Un homme visite le musée du quai Branly - Jacques Chirac où quelque 300 000 œuvres originaires d'Afrique, du Moyen-Orient, d'Asie, d'Océanie et des Amériques sont exposées, à Paris, le 15 mars 2018.
Un homme visite le musée du quai Branly - Jacques Chirac où quelque 300 000 œuvres originaires d'Afrique, du Moyen-Orient, d'Asie, d'Océanie et des Amériques sont exposées, à Paris, le 15 mars 2018.

Le militant congolais Emery Mwazulu Diyabanza a été condamné mercredi à Paris à 1.000 euros d'amende pour avoir tenté de s'emparer d'un poteau funéraire d'origine tchadienne, en juin dernier, au musée du quai Branly, pour dénoncer le "pillage" culturel de l'Afrique.

Initialement poursuivi pour "tentative de vol", il a finalement été condamné par le tribunal correctionnel pour "vol aggravé". Les autres militants jugés avec lui ont été condamnés à des peines d'amende avec sursis de 250, 750 et 1.000 euros.

L'activiste congolais a annoncé qu'il allait faire appel.

Les avocats des militants panafricains, Calvin Job et Hakim Chergui, ont qualifié de "décevante" la décision du tribunal.

"Alors même que toutes les parties au procès avaient relevé l'absence d'intention réelle de voler la statuette, cette décision revient à traiter en vulgaires resquilleurs des militants d'une cause politique et, de la sorte, à confondre un simulacre de vol et une tentative de vol", ont déploré les avocats.

Pour eux, ce jugement "répond à la violence de l'occultation de l'Histoire coloniale par le refus assumé de regarder en face le caractère politique d'une action indubitablement militante".

"En ce sens, déni sur déni, à la cécité politique vient s'adjoindre, fidèle au continuum colonial, la cécité judiciaire", ont souligné Me Job et Me Chergui.

Membres de l’association panafricaine Unité Dignité Courage, ces cinq militants s'étaient emparés le 12 juin d'un poteau funéraire Sara (Tchad) du XIXe siècle en l'arrachant de son socle. Emery Mwazulu Diyabanza avait pris l'objet dans ses bras en criant: "on le ramène à la maison".

Reconnaissant le caractère "militant" de cette action, le président du tribunal a expliqué mercredi en rendant son jugement que ce mode opératoire devait être "découragé". "Vous disposez d'autres moyens pour attirer l'attention de la classe politique et du public" sur la question des restitutions des œuvres africaines, a-t-il ajouté.

Le parquet avait requis à l'audience 1.000 euros d'amende contre l'activiste.

"La légitimité d'aller chercher ce qui nous appartient ne revient pas aux juges d'un gouvernement prévaricateur", a commenté Emery Mwazulu Diyabanza en sortant de la salle d'audience.

"Nous continuerons le combat avec tous les moyens dont nous disposons. Nous ne sommes pas dissuadés", a-t-il prévenu.

Le militant congolais n'en a pas fini avec la justice. Quelques semaines après le coup d’éclat du musée du quai Branly, il s'était emparé d'un objet en ivoire au musée des arts africain de Marseille, dans le sud-est de la France, puis avait tenté d'emporter une sculpture du Congo à l'Afrika Museum de Berg en Dal aux Pays-Bas .

Il doit être jugé à Marseille le 17 novembre et en janvier aux Pays-Bas pour ces actions.

Un rapport des universitaires Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, remis au gouvernement en novembre 2018, appelait à de vastes restitutions des objets arrivés en France pendant l'époque coloniale.

Aujourd'hui, seul un sabre a été rétrocédé au Sénégal et 26 objets le seront d'ici à un an au Bénin. Ces totems et sceptres, pillés lors du sac du palais d'Abomey par les troupes coloniales en 1892, restent au musée du quai Branly tant qu'un musée au Bénin n'est pas prêt pour les accueillir.

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