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Vives critiques après des propos antimigrants d'un haut dirigeant algérien


Ahmed Ouyahia, chef du Rallye pour la Démocratie nationale (RND), lors d'une campagne électorale parlementaire à Alger, en Algérie, le 29 avril 2017.
Ahmed Ouyahia, chef du Rallye pour la Démocratie nationale (RND), lors d'une campagne électorale parlementaire à Alger, en Algérie, le 29 avril 2017.

Des déclarations hostiles aux migrants d'un des hommes forts du régime algérien, Ahmed Ouyahia, suscitent l'indignation des défenseurs des droits de l'Homme en Algérie, où le gouvernement avait pourtant fait voeu d'améliorer la condition des subsahariens en situation irrégulière.

"Ces étrangers en séjour irrégulier amènent le crime, la drogue et plusieurs autres fléaux", a accusé samedi, au micro de la télévision privée Ennahar TV, M.Ouyahia, directeur de cabinet du président Abdelaziz Bouteflika avec rang de ministre d'Etat.

"Ces gens-là sont venus de manière illégale (...) On ne dit pas aux autorités 'jetez ces migrants à la mer ou au-delà des déserts', mais le séjour en Algérie doit obéir à des règles", a ajouté M. Ouyahia, également patron du Rassemblement national démocratique (RND), 2e parti d'Algérie et allié crucial du Front de libération nationale (FLN) de M. Bouteflika.

Dans un communiqué, Amnesty International a estimé "choquants et scandaleux" ces propos qui "alimentent le racisme et favorisent la discrimination et le rejet de ces personnes" ayant "fui les guerres, la violence et la pauvreté".

"Il est de notre responsabilité de les accueillir, conformément aux textes internationaux signés et ratifiés par l'Algérie", souligne l'organisation de défense des droits de l'Homme.

'Non aux Africains'

Secrétaire général de la Ligue algériennes de défense des droits de l'Homme (LADDH), Abdelmoumene Khelil, a fustigé des déclarations "dignes des discours de l'extrême droite européenne", qui "viennent torpiller le discours équilibré sur le sujet du nouveau Premier ministre" Abdelmajid Tebboune, nommé fin mai.

Le gouvernement de M. Tebboune a annoncé son intention d'élaborer une loi sur le droit d'asile en Algérie, qui ne dispose pas de législation sur les réfugiés bien qu'elle ait signé les principales conventions internationales.

Les migrants en situation irrégulière en Algérie - essentiellement des Subsahariens estimés à environ 100.000 par les ONG - vivent hors de tout cadre juridique et dans des conditions le plus souvent extrêmement difficiles, souvent exploités par des patrons indélicats.

Selon le quotidien arabophone El-Khabar, le ministre de l'Intérieur Nourredine Bedoui a présenté durant la semaine au gouvernement les grandes lignes du projet sur les migrants: lancement d'un recensement et délivrance de permis de travail dans les secteurs manquant de main d'oeuvre tels que les travaux publics, l'agriculture ou la pêche.

Le 19 juin, M. Bedoui avait affirmé que l'Algérie considérait "ces réfugiés, venant de pays en butte à des conditions difficiles, comme des invités qu'il faut prendre en charge au plan médical, social et psychologique".

Ce même jour, avait fleuri sur les réseaux sociaux un hashtag en arabe signifiant "Non aux Africains en Algérie", suscitant un vif émoi sur internet et dans la presse.

'Jean-Marie Ouyahia'

"Ahmed Ouyahia verse dans le discours raciste", s'est de nouveau indigné dimanche le site d'information en ligne TSA (Tout sur l'Algérie), dénonçant des "propos d'une extrême gravité", un "raccourci xénophobe" et "un discours à teneur haineuse".

Sur Facebook, Mohamed Sidoumou, journaliste à El-Khabar, a surnommé le directeur de cabinet présidentiel "Jean-Marie Ouyahia", en référence à Jean-Marie Le Pen, chef historique de l'extrême droite française, haï en Algérie pour son rôle au sein de l'armée française durant la guerre d'indépendance.

Signe qu'il ne s'agit pas d'un dérapage, le RND a indiqué assumer les propos de son chef et accusé de nouveau les migrants d'être "devenus ces derniers temps une source pour tous les types de crimes".

"Ce n'est pas Amnesty International qui va nous dicter notre conduite", a de son côté expliqué le porte-parole du parti, Seddik Chihab, au site Alg24.

Devançant les critiques, M. Ouyahia avait averti dimanche à Ennahar TV: "Quand on me parle de droits de l'Homme, je dis: +nous sommes souverains chez nous+".

M. Khelil s'est dit "pas étonné par ces propos méprisants sur les droits de l'Homme. Nous avons l'habitude d'entendre de tels discours" en Algérie.

Des politologues semblaient perplexes dans l'immédiat: "Comment aurait réagi Ouyahia si un Européen avait tenu ces propos?", s'est simplement interrogé Mohamed Hennad, joint par l'AFP.

Avec AFP

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