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A Kinshasa, la "dédollarisation" revient dans le débat


Un cambiste expose des billets dans sa cabine sur un marché de Kinshasa le 11 août 2021.
Un cambiste expose des billets dans sa cabine sur un marché de Kinshasa le 11 août 2021.

Comment faire du franc congolais une monnaie assez forte pour reprendre ses droits face à l'omnipotent dollar américain? Serpent de mer de la politique financière congolaise, la "dédollarisation" de l'économie vient d'être remise sur le métier à Kinshasa.

Le dollar américain a fait son nid dans l'ex-Zaïre du temps de l'hyperinflation à quatre chiffres des années Mobutu, à l'instar d'autres pays en proie au chaos, en Afrique et ailleurs.

Trente ans après, le billet vert est partout en République démocratique du Congo, dans les gros contrats et comptes en banque confortables, mais aussi dans les tiroirs caisses des petits commerces ou dans les distributeurs automatiques de billets qui délivrent à la fois dollars et francs congolais.

"Ah bien sûr! Le dollar US est la monnaie de référence, comme l'anglais est la langue de référence. Comment voulez-vous faire du commerce à Dubaï, sinon?", lance un cambiste de rue interrogé au "Château", surnom d'une petite artère de la Gombe, quartier des affaires de Kinshasa, jalonnée de parasols de changeurs de billets.

La part des devises étrangères dans la masse monétaire en circulation dans l'immense pays (2,3 millions de km2) dépasserait les 90%. Impossible dans ces conditions pour les autorités d'avoir le moindre levier monétaire sur leur politique économique.

Trouver la recette

Plusieurs tentatives de "dédollarisation" ont été menées, dont une forcée à la toute fin des années 90 qui a tourné court, entre marché des changes clandestin florissant et récession liée à la guerre dans l'est du pays, qui à ce jour reste en proie à la violence de groupes armés.

Une autre était lancée en 2012, quand le gouvernement fondait de grands espoirs sur la croissance et sur de nouvelles grosses coupures de francs congolais. Mais rien n'y a fait.

Près de dix ans après, les autorités s'interrogent de nouveau sur la manière de faire. Le président Félix Tshisekedi "a appelé à une réflexion profonde pour faire du franc congolais une monnaie forte et stable", indiquait vendredi dernier le compte-rendu du Conseil des ministres.

Ce renforcement améliorerait le pouvoir d'achat des citoyens et pourrait "trouver écho dans l'accélération du processus de dédollarisation", via "une série de mesures visant à utiliser le franc congolais comme unité de compte pour toutes les transactions", ajoutait le texte.

Reste maintenant au gouvernement et à la Banque centrale, dont la nouvelle gouverneure, Marie-France Malangu, est une ancienne fonctionnaire du Fonds monétaire international (FMI), à trouver la recette, dont ils n'ont encore livré aucun détail.

Lors du même Conseil des ministres, Mme Malangu a fait état d'un taux d'inflation mensuel à fin juillet de 0,42%, contre 2,95% à la même période de 2020. Les Congolais constatent par ailleurs une stabilisation très relative du taux de change de leur monnaie à environ 2.000 francs congolais pour un dollar.

Mais ils ont trop connu de galères et de désillusions pour que la confiance se décrète d'un coup de baguette magique.

Pour ces jeunes congolaises, la carrière d'abord, le mariage ensuite...ou jamais
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'Le développement ne s'importe pas'

"Parler de la dédollarisation de la vie nationale (...) ne doit pas être un slogan, ni un chapelet de bonnes intentions", écrivait cette semaine le quotidien Le Potentiel, en appelant l'Etat "à prêcher par l'exemple à travers ses différents services, de la base au sommet".

Dédollariser? "N'importe quoi!", lâche le cambiste du "Château", qui préfère rester anonyme.

L'économiste Michel Nsomue peste de son côté contre "l'hypocrisie" de certaines politiques qui prétendent combattre la dollarisation de l'économie.

"Sous prétexte de lutte contre l'inflation, exigée par les institutions financières internationales, on a restreint l'émission de monnaie congolaise", laissant la porte ouverte à "l'entrée massive et désordonnée de devises étrangères dans ce pays", dit-il à l'AFP.

Dans une économie de sous-emploi, dans un pays immensément riche en minerais de toutes sortes mais dont les deux-tiers des 80 millions d'habitants vivent dans la pauvreté, "la lutte contre le chômage" et "la mise en valeur des ressources" devraient primer sur la lutte contre la hausse des prix, juge-t-il. Car "le développement ne s’importe pas, il se crée à l’intérieur".

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