La mise sur pied de l’Africom, le nouveau commandement militaire régional américain pour l’Afrique suscite des craintes chez les donateurs internationaux. Selon le gouvernement américain, l’Africom devra notamment coopérer avec les agences civiles d’aide pour renforcer la bonne gouvernance en Afrique. Les agences caritatives internationales, elles, redoutent que ce nouveau commandement n’entrave au contraire le développement du continent.
Les Africains, eux, s’inquiètent de plus en plus de la présence militaire américaine croissante sur leur continent, alors que le Washington ne cesse de répéter que l’Africom aidera à développer l’Afrique. Pour Wafula Okumu, analyste à l’Institut d’études de la sécurité d’Afrique du Sud, le développement relève plutôt du domaine des ONGs et de groupes tels que l’USAID. « Ils ont dit que même l’armée américaine est inquiète. Elle est préoccupée par le fait qu’on lui demande un travail pour laquelle elle n’a pas reçu de formation. L’armée américaine estime qu’elle ne devrait pas s’impliquer dans le travail humanitaire ou le développement», fait remarquer M. Okumu.
Les donateurs pensent que l’Africom devrait se contenter uniquement de former des soldats africains de maintien de la paix, souligne, de son côté, Stewart Patrick du Centre pour le développement global de Washington. « Beaucoup de promoteurs du développement et d’humanitaires sont préoccupés par le fait que des militaires s’impliquent, ou risquent de s’impliquer, dans un certain nombre de secteurs où ils n’ont pas d’atouts », affirme M. Patrick. L’expert note qu’au département d’Etat, on redoute que l’Africom n’entrave le travail des ambassadeurs qui, après tout, sont censés coordonner la politique étrangère des Etats Unis.
Même si l’Africom fait de son mieux, ses efforts dans le domaine du développement risquent de renforcer la perception que Washington cherche à militariser le développement, estime M. Patrick. D’autant que les Etats-Unis accordent traditionnellement plus d’argent aux initiatives militaires qu’aux programmes d’aide à l’Afrique. L’Africom devrait chercher à améliorer la capacité des forces de sécurité plutot qu’à promouvoir le développement et la bonne gouvernance, fait valoir l’expert du Centre pour le développement global.
A ce propos, beaucoup d’Africains jugent troublant et insultant que l’Africom veuille jouer un role dans le développement, l’aide et la bonne gouvernance. « C’est parce que l’on pense que l’Afrique est composée de pays galeux, qui ont échoué... et que les Etats en faillite servent de pépinières aux terroristes. Or, les terroristes sont une menace à la sécurité de l’Occident » a déclaré Wafula Okumu, l’analyste de l’Institut d’études de la sécurité d’Afrique du Sud.
M. Okumu se dit convaincu que les intérêts du continent seraient mieux servis si Washington accorde des fonds supplémentaires aux organisations caritatives au lieu de créer un nouveau commandement militaire. « Vu le legs terrible des armées en Afrique, c’est une mauvaise idée d’introduire les militaires dans la vie politique et le secteur du développement », a-t-il déclaré.