Les « U.S. attorneys » sont des procureurs dirigeant les bureaux locaux de la justice fédérale dans tout le pays. Ils représentent le gouvernement américain. S’ils sont traditionnellement nommés par la Maison Blanche et s’ils conservent leur poste selon le bon vouloir du président, ils n’en affirment pas moins leur indépendance face aux pressions à caractère politique. D’où l’énorme surprise quand huit d’entre eux ont été démis de leurs fonctions par le président Bush ; une initiative tout à fait inhabituelle, qui est devenue une affaire politique suite aux allégations selon lesquelles deux parlementaires républicains pourraient être impliqués dans ces révocations des allégations qu’a démenties le ministère de la justice.
Témoignant au Congrès, David Iglesias, l’un des procureurs révoqués, a expliqué avoir reçu, avant les élections de mi-mandat de novembre 2006 – à l’issue desquelles le parti républicain a perdu la majorité au Congrès - un coup de téléphone du sénateur républicain Pete Domenici. Ce dernier voulait savoir où en était une enquête sur la corruption impliquant des membres du parti démocrate dans l’Etat du Nouveau Mexique.
Répondant aux questions du sénateur démocrate Charles Schumer, David Iglesias a dit avoir eu l’impression qu’on faisait pression sur lui pour qu’il accélère l’enquête avant les élections ; d’autant qu’il avait été également contacté au téléphone par Heather Wilson, une députée républicaine du Nouveau Mexique. Environ six semaines plus tard, M. Iglesias perdait son poste. Heather Wilson, tout comme le sénateur Domenici, dément que ses conversations avec David Iglesias avaient des fins politiques.
Un autre procureur, John McKay, qui travaillait à Seattle, dans l’Etat de Washington, avant d’être renvoyé, se dit convaincu que certains de ses collègues révoqués ont fait l’objet de pressions après l’ouverture, par le Congrès, d’une enquête. « On nous a fait comprendre que toute coopération avec le Congrès, tout témoignage au congrès, serait considéré comme une escalade par le Département de la justice, qui réagirait en conséquence », explique John McKay. Dans un communiqué, Mrs Iglesias et McKay affirment regretter les circonstances qui les ont conduit à comparaître devant le Congrès des Etats Unis, tout en réitérant que le Département de la justice ne leur avait guère précisé les motifs de leur révocation.
Pour sa part, l’administration Bush souligne que les renvois sont dus au mécontentement suscité par les décisions prises par les procureurs concernés. Le ministre de la justice, Alberto Gonzalez, dément catégoriquement avoir écarté un employé pour des raisons politiques. Les parlementaires américains restent sceptiques.
« Nous, au Congrès, avons une lourde responsabilité: Ne pas entraver le droit du président de remplacer les procureurs, mais aussi déterminer si ces derniers ont été remplacés parce qu’ils font un travail délicat au plan politique ou parce qu’ils enquêtent sur la corruption, ou pour tout autre motif incorrect », a averti le sénateur républicain Arlen Spector. Les démocrates, eux aussi, accusent l’administration Bush de se servir d’une provision obscure du « Patriot Act » , la législation anti-terrorisme, pour nommer ses alliés aux postes de procureur de d’Etat, court-circuitant par le processus traditionnel de confirmation par le Sénat.