L’affaire Valérie Plame, du nom de cette agente de la CIA dont l’identité aurait été révélée à la presse, a connu un nouveau développement du fait de la publication d’un document judiciaire jeudi. Publié par Patrick Fitzgerald, le procureur spécial chargé d’instruire l’affaire Plame, ce document laisse penser que le président George Bush aurait autorisé des fuites de documents secrets à la presse pour défendre sa décision de déclencher une guerre contre Saddam Hussein.
L’affaire Plame avait entraîné l’inculpation de Lewis Libby, ancien directeur de cabinet du vice-président Dick Cheney. Lors de dépositions devant un grand jury, M. Libby a déclaré avoir reçu, par l’intermédiaire du vice-président, l’approbation de M. Bush pour divulguer à la presse des informations classées secrètes par le ministère de la défense, concernant l’Irak et datant d’avant la guerre. Le but de l’opération était de justifier l’offensive de la Maison Blanche contre le régime de Saddam Hussein.
Les détracteurs de l’administration Bush accusent M. Libby d’avoir identifié Valérie Plame afin de discréditer son époux, l’ancien ambassadeur Joseph Wilson. Ce dernier avait publié dans la presse un éditorial doutant de la réalité de certaines des justifications invoquées par la Maison Blanche contre Saddam Hussein, notamment les tentatives présumées de l’ex-leader irakien d’acheter de l’uranium au Niger. Or, révéler l’identité d’un agent de la CIA est un crime fédéral aux Etats Unis.
Toutefois, le document rendu public hier, et rédigé par le procureur Fitzgerald, n’indique pas que le président Bush ou le vice-président Cheney avait autorisé M. Libby à révéler l’identité de Mme Plame. M. Fitzgerald ne dit pas non plus si le président Bush a outrepassé ses pouvoirs en déclassifiant lui-même des informations des services de renseignement.
Les critiques de l’administration Bush font valoir que le président et le vice-président ont souvent dénoncé les fuites de secrets d’Etat, et sont allés jusqu’à préconiser l’ouverture d’enquêtes criminelles pour déterminer qui était à l’origine de tels actes. La Maison Blanche ne semble pas pratiquer ce qu’elle prêche, estime le sénateur Charles Schumer, un démocrate de l’état de New York, qui a invité le président et le vice-président à s’expliquer. M. Bush avait dit qu’il limogerait quiconque aurait révélé de telles informations, mais il semble maintenant que c’est lui qui a autorisé de telles fuites en premier lieu, note le sénateur Schumer. « Le peuple américain a le droit de savoir la vérité, » a ajouté le sénateur new yorkais.
De l’avis des analystes, ces révélations concernant le rôle présumé du président Bush et du vice président Cheney dans l’affaire Plame accroissent la probabilité de leur comparution à la barre, en tant que témoins, une fois que le procès de Lewis Libby s’ouvrira. L’ancien directeur de cabinet de M. Cheney a plaidé non coupable aux accusations d’obstruction à la justice, de parjure et faux témoignage dans l’affaire Plame, et maintient que l’identité secrète de cette dernière n’était pas au cœur de ses entretiens confidentiels avec la presse.
Cependant, la journaliste du New York Times Judith Miller a déjà témoigné avoir discuté de Madame Plame avec M. Libby en juillet 2003, soit peu après que le vice président Cheney ait dit à M. Libby qu’on pouvait, de l’avis du président Bush, révéler certaines informations secrètes concernant l’Irak. Lewis Libby a démissionné quand il a été inculpé en automne 2005.