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Génocide au Rwanda: Védrine défend devant la justice "la France de Mitterrand"


Un survivant prie à côté de crânes des victimes du génocide à Nyamata, Rwanda (avril 2004)
Un survivant prie à côté de crânes des victimes du génocide à Nyamata, Rwanda (avril 2004)

L'ancien secrétaire général de l'Elysée Hubert Védrine a dénoncé vendredi "les accusations monstrueuses" sur son rôle et celui de la France dans le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994, lors d'une audience en diffamation contre l'ancien militaire Guillaume Ancel.

Près d'un an après la publication du rapport Duclert ayant conclu à des "responsabilités lourdes et accablantes" de la France dans cette tragédie, M. Védrine poursuivait M. Ancel pour injure publique et diffamation.

France: non-lieu dans l'attentat à l’origine du génocide rwandais
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En cause, une série de 24 publications, tweets et articles publiés par M. Ancel entre mars et juillet 2021.

"A titre personnel, et en tant qu'ancien collaborateur et admirateur de François Mitterrand, j'en suis arrivé à la conclusion que trop c'est trop", a déclaré M. Védrine, en s'indignant à plusieurs reprises contre des "accusations monstrueuses" et en se livrant une nouvelle fois à une défense de la politique française menée par l'ancien président socialiste entre 1990 et 1994.

"Il est monstrueux de penser que la France de François Mitterrand a pu contribuer, même de façon indirecte, à un génocide alors que la politique française visait justement à l'empêcher", a-t-il dit, "même si elle n'a pas réussi".

Sur son propre rôle de secrétaire général de l'Elysée à cette période, "je ne me suis jamais spécialement occupé de l'affaire du Rwanda, j'avais mille choses à traiter", a affirmé le responsable qui fut également ministre des Affaires étrangères de 1997 à 2002.

- "Lanceur d'alerte" -

Premier à prendre la parole lors de l'audience, le prévenu Guillaume Ancel, ex-militaire déployé au Rwanda pendant Turquoise, opération controversée militaro-humanitaire française de fin juin à fin août 1994, a expliqué avoir voulu demander des "explications" à des responsables d'une politique "qui nous a menés aux portes de l'enfer".

Qualifié par l'historien Stéphane Audouin Rouzeau, cité comme témoin, de "lanceur d'alerte", M. Ancel a estimé que son accusateur voulait "le faire taire". Il a exhorté M. Védrine à avoir "le courage d'expliquer pourquoi, à l'Elysée, ils ont apporté un soutien au régime génocidaire, quelles sont les raisons pour lesquelles ils se sont fourvoyés à ce point".

"Je n'ai jamais prêté d'intention génocidaire à M. Védrine", a répété M. Ancel, tout en estimant que l'ancien responsable "portait des thèses négationnistes en reprenant le thème du double génocide" contre les Hutu, ce qu'a nié M. Védrine.

Dans sa plaidoierie, l'avocat de M. Védrine, Me Alexandre Mennucci, a accusé M. Ancel d'avoir "bafoué la présomption d'innocence, le respect dû aux personnes, ou l'exigence du respect d'un débat contradictoire".

La partie civile réclame le retrait des publications litigieuses, la publication du jugement, un euro de dommages et intérêts.

La procureure a estimé que sept des publications tombaient sous le coup de la diffamation, et que la publication où M. Védrine était comparé à un négationniste de la Shoah était bien constitutive d'une injure.

L'avocate de la défense, Me Elise Le Gall, a pour sa part plaidé la relaxe de son client, dont les propos s'appuient selon elle sur le travail des historiens de la commission Duclert.

"Oui, les propos de Guillaume Ancel peuvent être provoquants, peuvent heurter la sensibilité personnelle de M. Védrine", a-t-elle reconnu, mais elle a fait valoir "la bonne foi" et l'"intérêt du débat public".

Le rôle de la France au Rwanda entre 1990 et 1994, objet de débats passionnels pendant des décennies, et qui a empoisonné les relations entre les deux pays, a trouvé une réponse historique avec la publication du rapport Duclert en mars 2021. Ce rapport de plus de 1000 pages, fruit de deux années d'analyse des archives françaises, a conclu aux responsabilités "lourdes et accablantes" de la France et mis en cause le président d'alors François Mitterrand et son entourage, "aveuglés idéologiquement".

Le rapport Duclert, qui avait toutefois écarté toute "complicité" de génocide de la France, a permis un réchauffement spectaculaire des relations entre Paris et Kigali.

Le génocide au Rwanda, orchestré par le régime extrémiste hutu, a fait plus de 800.000 morts, essentiellement Tutsi, massacrés entre avril et juillet 1994.

La décision a été mise en délibéré et le jugement sera rendu le 16 mai.

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