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Plan Trump: la cause palestinienne est-elle passée au second plan ?


Le leader palestinien Mahmoud Abbas intervient à l'ONU, à New York, le 20 février 2018.
Le leader palestinien Mahmoud Abbas intervient à l'ONU, à New York, le 20 février 2018.

Qui se soucie des Palestiniens ? La question ne se posait pas lorsque la cause galvanisait manifestants, intellectuels et chancelleries, en Europe comme au Moyen-Orient. Mais les temps ont changé et le Plan Trump a suscité peu de réactions outrées.

Le projet du président américain, qui concède à Israël le contrôle de la ville de Jérusalem "indivisible" ainsi que l'annexion de la vallée du Jourdain et des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée, n'a déclenché que réactions ambigües et prudence de circonstance.

Vendredi, le président turc Recep Tayyip Erdogan a accusé certains pays arabes de "trahison", visant en particulier l'Arabie saoudite et les pays du Golfe qui ont "apprécié" les efforts américains et renvoyé Israéliens et Palestiniens dos-à-dos.

"Beaucoup des pays arabes ont établi des relations avec Israël. Je ne m'attendais pas à ce que des pays qui sont dans le sillage de l'Otan et de la politique américaine protestent", relève Georges Corm, historien et homme politique libanais.

- Hiérarchie des crises -

Une posture notamment liée, pour certains analystes consultés par l'AFP, à une hiérarchie des crises qui a relégué la question palestinienne, jadis considérée comme la matrice centrale de la paix au Proche-Orient, au second rang.

"Les pays arabes ont des questions plus pressantes que le problème palestinien", relève un diplomate de la région. Les attentats du 11 septembre 2001, la montée en puissance d'Al-Qaida et Daech, la guerre en Syrie, les printemps arabes ont tour à tour redistribué les cartes, tout comme le dossier iranien, grande priorité de Washington.

Les Arabes "ont bien plus besoin des Américains, ils regardent leurs propres intérêts et considèrent la question palestinienne comme quelque chose de décroissant dans leurs priorités", ajoute-t-il.

"La menace iranienne et les printemps arabes ont éclipsé la question palestinienne", confirme Nael Shama, docteur en relations internationales au Middle-East Institute. Si l'Egypte "a été la plus conciliante de tous les pays arabes", c'est qu'elle souhaite "maintenir ses liens étroits avec les Etats-Unis".

L'Europe, pendant ce temps-là, s'est drapée de prudence. L'UE comme beaucoup de capitales, n'a pas commenté le projet américain dans le détail, se contentant de défendre une solution "acceptable par les deux parties". Donc aux antipodes du projet américain.

"Les Européens sont restés assez peu vocaux. La situation du fait accompli est en train de payer pour Israël", regrette Pascal Boniface, directeur de l'Institut de recherche internationale et stratégique (IRIS) à Paris, dans une vidéo postée sur son site.

- L'ombre d'Arafat -

Et il n'est pas sûr que ces gouvernements le payent sur le plan électoral. Etendard de la gauche européenne dès les années 70, la question palestinienne a symbolisé bien des combats pendant des décennies. Mais elle ne fait plus recette.

"Du côté palestinien, il n'y a plus de leader aussi marquant que Yasser Arafat", relève Bruno Cautrès, chercheur au CNRS.

Le keffieh noir et blanc de Yasser Arafat, chef emblématique de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui l'avait porté à la tribune des Nations Unis en 1974, avait été érigé en symbole politique. Et il trônait dans toutes les manifestations en Europe.

Mais il a été remplacé par le costume-cravate du président de l'autorité palestinienne Mahmoud Abbas, aujourd'hui en fin de règne. Il adopte "le dress code d'un exécutif comme il y en a partout dans le monde, mais il n'a plus la dimension du leader charismatique", estime Bruno Cautrès pour qui "cela explique en partie la disparition relative de la cause palestinienne des écrans des gauches européennes".

De là à considérer que cette cause est perdue, il n'y a qu'un pas que nul ne franchit. Le plan Trump, selon ses détracteurs, ne fait qu'entériner les violations des accords internationaux commises par l'Etat hébreu et ne fonctionnera pas.

"M. Trump ne peut quand même pas changer tout le corpus du droit international sur la Palestine", prévient Georges Corm.

"Rien ne va changer", assure pour sa part Ahmed Abd Rabou, chercheur à l'École des études internationales Josef Korbel de l'université de Denver. "Les Palestiniens ne l'accepteront jamais, pas plus que l'Union européenne, les puissances et organisations internationales. Les Etats-Unis et Israël le savent".

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