Le parlement vénézuélien demande le soutien de la communauté internationale

Le législateur d'opposition Juan Requesens, au centre, intervient à l'Assemblée nationale lors d'une session à Caracas, au Venezuela, le 7 août 2018.

Le Parlement vénézuélien, seule institution tenue par l'opposition au président Nicolas Maduro, a demandé jeudi le soutien de la communauté internationale en ne reconnaissant pas le mandat d'arrêt délivré par la Cour suprême à l'encontre du leader d'opposition Julio Borges, exilé en Colombie.

Dans une déclaration, le Parlement a affirmé que la mesure contre M. Borges "est de nature politique et ne devrait pas être reconnue par un tribunal étranger".

La Cour suprême vénézuélienne a ordonné mercredi "l'arrestation immédiate" de l'ex-président du Parlement pour tentative de meurtre à l'encontre de Nicolas Maduro et lancé la procédure pour le juger.

La Cour s'est aussi déclaré favorable à des "poursuites" contre le député Juan Requesens, 29 ans, qui a milité avec Julio Borges dans le parti d'opposition Primero Justicia (la Justice d'abord). Il a été arrêté mardi. Le Parlement a réclamé sa "libération immédiate".

L'attaque à l'aide de drones chargés d'explosif samedi lors d'un défilé militaire à Caracas avait pour but, selon le gouvernement, d'attenter à la vie du chef de l'Etat.

Selon le procureur, 19 personnes au total sont "directement liées" à cet "attentat" qui, selon le gouvernement, a été organisé à partir d'une ferme à Chinacota, en Colombie, par des personnes qui ont reçu 50 millions de dollars.

Le procureur a notamment cité deux "financiers" supposés de l'attaque, Rayder Ruso Marquez et un colonel à la retraite, Oswaldo Valentin Garcia, actuellement en Colombie, ainsi qu'une troisième personne, Osman Delgado Tabosky, dont il a demandé l'extradition auprès des Etats-Unis.

- "Farce" et "kidnapping" -

Dès samedi, Nicolas Maduro a accusé l'opposition vénézuélienne et l'ex-président colombien Juan Manuel Santos d'être derrière cette attaque avec des fonds provenant des Etats-Unis.

Bogota et Washington ont nié toute implication et l'opposition crie au montage.

L'Union européenne a réclamé jeudi une "enquête exhaustive et transparente (...) pour établir les faits dans le plein respect de l'Etat de droit et des droits de l'homme", regrettant que "les derniers événements ont encore aggravé les tensions au Venezuela".

Julio Borges a dénoncé mercredi auprès de l'AFP à Bogota une "farce" et une "mise en scène". "Il n'y a pas eu d'attentat. Cela a été inventé par le gouvernement. C'est un rideau de fumée créé pour menacer, réprimer".

"Ils nous accusent de tout (...) Parce que nous avons obtenu des sanctions" internationales "de pays occidentaux contre le gouvernement Maduro", a-t-il dit.

Julio Borges s'est dit "en sécurité" dans son exil en Colombie, estimant que le mandat d'arrêt prononcé à son encontre à Caracas n'existait "pas légalement".

L'Assemblée constituante, créée pour neutraliser le Parlement, a privé de leur immunité les députés visés par des poursuites.

Juan Requesens a été arrêté mardi soir par des membres de la police secrète.

"Sans aucun mandat d'arrêt, ils sont arrivés à la résidence et l'ont emmené par la force", a affirmé à des journalistes le père du député. Certains proches et membres de sa famille se sont rendus devant les locaux des services de renseignement, soupçonnant qu'il y soit détenu.

"Il s'agit d'un kidnapping, de la disparition forcée d'un député, du viol de son immunité. (...). L'Assemblée constituante, illégitime, inconstitutionnelle, n'a pas le pouvoir de lever l'immunité", a réagi lors d'une conférence de presse mercredi le vice-président du Parlement, Alfonso Marquina.

- "Il est temps de partir" -

Selon la Constitution vénézuélienne, seul le Parlement peut lever l'immunité des ses membres, sur demande de la Cour suprême. Mais dans la pratique, l'Assemblée constituante --non reconnue par une grande partie de la communauté internationale-- s'est arrogé ses pouvoirs.

Finalement remporté le 20 mai par Nicolas Maduro, le scrutin a été salué par la Russie mais rejeté par de nombreux pays occidentaux qui ont imposé des sanctions, notamment économiques, et dont certains ne cachent pas leur volonté de voir Nicolas Maduro quitter le pouvoir.

"C'est le moment pour les pays de la région qui sont confrontés aux migrations, qui souffrent des migrations, de condamner Maduro et de lui dire qu'il est temps pour lui de partir", a déclaré l'ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU, Nikki Haley, en visite à la frontière entre la Colombie et le Venezuela.

Mercredi, l'Equateur a décrété l'état d'alerte dans les provinces limitrophes du Pérou et de la Colombie en raison d'un afflux grandissant de migrants vénézuéliens, qui atteint 4.200 par jour.

Les Vénézuéliens, étranglés par la crise économique, souffrent de pénuries qui touchent les produits de première nécessité, notamment les médicaments et les produits alimentaires. L'inflation pourrait atteindre 1.000.000% fin 2018 selon le Fonds monétaire international (FMI), et le PIB devrait s'effondrer de 18%.

Avec AFP