Un ancien général dénonce les "fautes" de la France

L'ancien président français François Mitterrand, et son homologue égyptien Hosni Mubarak, à gauche, à Paris, France, le 11 juillet 1994.

Un général de division en retraite dénonce les "fautes" de la France au Rwanda avant et pendant le génocide de 1994, dans un entretien à Mediapart et Radio France diffusé jeudi.

Aujourd'hui âgé de 84 ans, Jean Varret est nommé fin 1990 chef de la Mission militaire de Coopération (MMC). A Kigali, le colonel rwandais Pierre-Célestin Rwagafilita, chef d'état-major de la gendarmerie, vient lui demander des armes lourdes pour faire du maintien de l'ordre, en lui expliquant: "Je vous demande ces armes, car je vais participer avec l'armée à la liquidation du problème. Le problème, il est très simple : les Tutsi ne sont pas très nombreux, on va les liquider".

De retour à Paris, le général Varret rend compte du risque de soutenir un pouvoir obsédé par la menace d'une "cinquième colonne" tutsi. Il est lu, mais personne ne l'écoute, affirme-t-il.

Des accusations totalement réfutées par l'amiral français Jacques Lanxade, ancien chef d'état-major particulier (1989-1991) de François Mitterrand, puis chef d'état-major des armées (1991-1995).

"Quand des informations comme celle de Jean Varret arrivent, elles justifient notre présence. Varret a eu raison de dire ce qu'il a dit, mais on ne peut pas en tirer la conclusion que nous avons été imprudents", a-t-il déclaré à Mediapart.

"Notre intervention visait à éviter que le gouvernement s'effondre et ne tombe dans la guerre civile. Qu'aurions-nous dû faire? Partir ? Mais alors c'était la guerre civile tout de suite", poursuit-il.

Second épisode dénoncé par le général Varret: début 1993, une commission d'enquête recueille de nombreuses preuves des massacres ethniques commis les mois précédents. En réaction, les rebelles du Front patriotique rwandais (FPR, à majorité tutsi) lancent une offensive vers Ruhengeri et Byumba, deux fiefs du président rwandais.

Les Français renforcent leur dispositif puis envoient un détachement du 1er régiment parachutiste (RPIMa) pour épauler l'armée rwandaise, qui parvient à stopper l'avancée des rebelles.

Le général Varret apprend alors lors d'une inspection que le 1er RPIMa s'est rendu en Ouganda, derrière les lignes ennemies, pour essayer d'avoir du renseignement sur le FPR. Or les troupes françaises ont l'interdiction absolue de s'engager directement dans le conflit. Le haut gradé assure avoir dénoncé ce manquement.

En avril 1993, Jean Varret n'est pas reconduit comme chef de la MMC pour un an, comme il le souhaitait. Il quittera par la suite l'institution militaire.

"Certains militaires à des postes-clés ont été trop loin, parce qu'ils n'ont pas voulu prendre en compte les risques de cette politique de soutien à Habyarimana (président rwandais, Hutu, dont l'avion est abattu au-dessus de Kigali le 6 avril 1994, marquant le début des massacres à grande échelle)", estime-t-il.

"La coopération avait pour mission d'aider à former, d'équiper, mais certainement pas à combattre. Et je pense que ce lobby militaire a été plus enclin à aider au combat", juge-t-il. "Aucun civil ou militaire n'aurait souhaité le génocide. Aucun. Par contre, certains n'ont pas pris le risque au sérieux", conclut-il.

Avec AFP