Préférant les ruines au coronavirus, des déplacés syriens rentrent chez eux

Pulvérisation de désinfectant pour empêcher la propagation du coronavirus à Qamishli, en Syrie le 24 mars 2020.

Leur maison dans le nord-ouest de la Syrie est en ruine mais Hassan Khraybi et ses dix enfants sont finalement rentrés dans leur ville natale ravagée par le conflit, comme de nombreux déplacés abandonnant des secteurs surpeuplés par crainte du nouveau coronavirus.

Profitant d'un cessez-le-feu dans la province d'Idleb, le père de famille est retourné à Ariha, où il s'est installé dans un petit appartement prêté par une connaissance.

"Nous étions dans le nord (d'Idleb) et là-bas les camps de déplacés sont bondés", explique le quadragénaire à la silhouette massive et à la peau brûlée par le soleil.

"Avec la surpopulation, on a eu peur de la propagation du coronavirus. On a décidé de rentrer, même si nos maisons sont détruites", justifie-t-il.

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Aucun cas de la maladie Covid-19 n'a été officiellement recensé dans la province d'Idleb et ses environs, ultime grand bastion jihadiste et rebelle qui compte quelque trois millions d'habitants.

Mais les ONG craignent une catastrophe humanitaire si le virus venait à se propager dans cette région, surtout dans les camps surpeuplés où les familles vivent dans un dénuement total, avec un accès limité aux soins et à l'eau potable.

Même si sa maison n'est plus qu'un amas de béton, Hassan a fait le choix de rentrer à Ariha.

Chaque jour, il sillone avec son camion citerne les rues dévastées de la ville, pour vendre de l'eau aux habitants qui, comme lui, ont fait le pari du retour.

- "Peur pour les enfants" -

La famille de Hassan faisait partie des près d'un million de déplacés recensés par l'ONU, chassés de chez eux par une offensive meurtrière relancée en décembre par le régime et son allié russe dans le nord-ouest syrien.

Nombre d'entre eux ont fui vers le nord de la province d'Idleb, ralliant la zone frontalière de la Turquie, considérée comme plus sûr. Hassan et sa famille ont vécu là pendant deux mois, s'installant un temps dans un camp de déplacés près de Maaret Misrine.

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Mais début mars, alors que l'épidémie de Covid-19 se propageait à travers le monde et que l'offensive du régime s'est calmée à la faveur d'une trêve négociée par Moscou et Ankara, des centaines de familles en ont profité pour revenir à Ariha.

C'est le cas de Rami Abou Raëd, qui a passé deux mois avec sa femme et ses trois enfants dans le nord d'Idleb.

Là-bas, la famille partageait son logement avec des connaissances.

"Dans chaque maison, il y avait trois ou quatre familles qui vivaient ensemble", raconte ce peintre en bâtiment de 32 ans à la grosse barbe noire.

"Ce n'était pas possible, surtout avec le coronavirus. J'ai eu peur pour les enfants et je suis rentré", confie Rami.

Le trentenaire a vécu deux ans à Ariha, après plusieurs déplacements au gré des offensives successives du régime.

Alors aujourd'hui il ne se fait pas d'illusion sur la trêve fragile dont bénéficie Idleb.

"La raison de l'accalmie c'est le coronavirus. S'il est éliminé, le régime va reprendre ses opérations", assure-t-il.

Damas semble pour l'instant focalisée sur la lutte contre l'épidémie, qui a officiellement affecté 29 personnes et entraîné deux décès dans les territoires sous son contrôle.

- "Je veux revenir" -

A Ariha, les premiers signes d'une timide reconstruction se font voir. Des hommes s'affairent pour faire tomber au marteau des plafonds à demi-effondrés, tandis que d'autres alignent les blocs de parpaing.

Ici et là, des enfants jouent en riant au milieu des ruines.

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Une boulangerie a repris du service et les étals du marché ont refait leur apparition dans le centre-ville, où les vendeurs de légumes sont installés devant les monticules de décombres.

Installés près de la frontière avec la Turquie, Oum Abdou et son mari projettent de retourner d'ici fin avril à Ariha, d'où ils sont originaires.

Mais ils doivent d'abord trouver un logement, leur maison ayant été détruite par les violences.

Déplacés depuis deux mois, le couple et ses cinq enfants vivent actuellement dans une mosquée.

Lors d'une récente visite à Ariha, Oum Abdou s'est recueillie sur les tombes de ses deux fils, tués ces dernières années dans des bombardements.

"C'est surtout pour eux que je veux revenir", lâche-t-elle.

La quadragénaire colle son visage contre une pierre tombale qu'elle enlace, imitée par sa fillette de 4 ans, Malak. Covid-19 oblige, toutes deux portent un masque sur la bouche.