Mort de 44 détenus au Tchad: une ONG dénonce des "mauvais traitements"

Les soldats tchadiens gardent des prisonniers dans la cour d'une prison de gendarmerie, Ndjamena, 13 février 2008. AFP PHOTO / PASCAL GUYOT

Quarante-quatre prisonniers morts en détention au Tchad en avril après une offensive contre le groupe jihadiste Boko Haram étaient de simples civils et ont succombé à des "mauvais traitements", asphyxiés dans une cellule exigüe, affirme une ONG locale, ce que dément lundi le gouvernement.

Mi-avril, les autorités avaient annoncé la mort de 44 détenus dans un centre de détention de la gendarmerie de la capitale, sur 58 "membres de Boko Haram" prisonniers.

Selon N'Djamena, ils avaient été capturés durant une vaste offensive de l'armée en représailles à une attaque du groupe jihadiste qui avait tué une centaine de soldats le 31 mars dans la presqu'île de Bohoma.

Cette dernière est située sur le lac Tchad, vaste étendue d'eau et de marécages truffée d'îles servant de repaires aux jihadistes, lesquels multiplient les attaques meurtrières.

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Le parquet avait assuré qu'une autopsie avait décelé une substance "létale" dans le corps des victimes et le ministre de la Justice, Djimet Arabi, avait alors évoqué un possible "suicide collectif" par empoisonnement.

Une version rejetée par la Convention tchadienne des droits de l'Homme (CTDDH) dans un rapport daté de samedi.

Selon cette ONG, lors de cette opération de représailles, "l'armée tchadienne s'est livrée à toutes sortes d'exactions voire des atrocités" en exécutant systématiquement tous ses prisonniers, combattants ou civils soupçonnés d'aider Boko Haram.

A la fin de l'opération, commandée directement sur place par le président Idriss Déby Itno, le pouvoir avait annoncé la mort d'un millier de jihadistes et de 52 militaires mais n'avait pas évoqué de prisonniers.

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"Les autorités s'étaient rendu compte trop tard qu'il n'y avait pas de prisonniers", commente l'ONG, pour qui l'arrestation de 58 hommes n'a été annoncée que cinq jours plus tard.

Il fallait donc "absolument trouver quelque chose pour faire croire à l'opinion nationale et internationale que l'armée tchadienne sait épargner les vies des prisonniers ennemis", écrit la CTDDH.

L'ONG affirme que ces 58 détenus étaient "des paysans et villageois arbitrairement arrêtés pour faire office de +prisonniers+", sur "instructions de dernière minute".

Selon la CTDDH, les 44 sont morts d'asphyxie, déshydratés après que les 58 détenus eurent été entassés sans nourriture ni eau dans une cellule de 6 mètres sur 3 quasiment sans aération, dans une chaleur dépassant parfois les 50 degrés.

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"On ne donnera pas de crédit à un rapport qui ne répond aucunement à la réalité", a commenté lundi le ministre Djimet Arabi, interrogé par l'AFP.

Selon lui, les prisonniers étaient bien "membres de Boko Haram", et les autorités vont rendre public un rapport sur leur décès "dans les prochains jours".