Les forces spéciales, "geeks" des armées

Les forces spéciales françaises à St Denis le 18 novembre 2015.

Les forces spéciales du monde entier, aux avant-postes de la lutte antiterroriste, sont à l'affût de nouvelles technologies qui leur permettent de garder une longueur d'avance sur l'adversaire, des drones à l'impression en 3D.

Planté dans le décor du camp militaire de Souge, dans le sud-ouest de la France, le salon SOFINS réunit pendant trois jours - jusqu'à jeudi - grands groupes, petites entreprises et start-up à l'écoute de ces besoins.


"Les forces spéciales, il y a 15 ans, c'était faire un raid, une action. Aujourd'hui on nous demande un effort particulier sur le renseignement. Il faut aller dans la population, en ville, dans le désert, être capable de caractériser l'ennemi, d'anticiper quasiment la crise", résume le commandant des opérations spéciales (COS), l'amiral Laurent Isnard, patron des forces spéciales françaises.

En 4X4, en hélico ou sous un parachute, ses hommes se glissent derrière les lignes ennemies, de nuit, afin de préserver l'effet de surprise, scrutent l'adversaire à distance et vont "au contact" quand il faut neutraliser une cible, libérer un otage.


Pour ces missions de tous les dangers, les matériels doivent rester aussi silencieux, légers et autonomes que possible. Les équipements de vision nocturne confèrent aussi un atout majeur.

Cette supériorité technologique, essentielle à la mission, est de plus en plus "contestée par l'ennemi", qui prend parfois même les devants, souligne l'amiral Isnard.

A Mossoul (Irak), le groupe État islamique (EI) a ainsi utilisé à plusieurs reprises des drones armés de grenades et autres charges explosives improvisées.


"La lutte antidrones est en train de devenir un véritable souci sur le champ de bataille mais c'est compliqué à faire", surtout si l'on veut les neutraliser à distance pour réduire au maximum le risque, souligne le général Alain Bouquin, conseiller défense du groupe français Thalès.

Pour garder l'ascendant, les forces spéciales françaises - environ 4.000 hommes - ont leurs propres bureaux d'étude et peuvent passer commande auprès de fournisseurs en court-circuitant les délais habituels d'acquisition des armées.

Dans les allées, les délégations étrangères - une quarantaine au total - sont aussi très affairées. "Je vais voir ce que nous pouvons acquérir dans la mesure de nos moyens", résume le chef des forces spéciales nigériennes, le colonel-major Moussa Salaou Barmou.

'Peau magique'

Les Djiboutiens ont passé commande de jumelles, équipements radio, armements et uniformes, précise le colonel Zakaria Hassan Aden à l'AFP.


Certaines innovations pourraient faire la différence demain sur le champ de bataille, tel le gilet pare-balles de trois millimètres d'épaisseur, semblable à une combinaison de plongée.

"Il n'est pas encore adapté pour l'homme - la balle ne traverse pas le bras mais vous aurez quand même le bras cassé - mais on peut réduire l'épaisseur d'un blindage en mettant cette espèce de peau un peu magique et avoir ainsi un véhicule beaucoup moins lourd", et donc plus autonome, note Benoît de Saint-Sernin, président du Cercle de l'Arbalète, qui fédère les équipementiers des forces spéciales françaises.

Plus révolutionnaire encore, la fabrication de tissus humains en 3D, sur laquelle travaille l'entreprise Poietis, basée à Bordeaux (sud-ouest), qui pourrait "ouvrir la porte à l'éternité" en permettant de reconstituer de la peau sur des soldats blessés.

Du côté des drones, l'avenir est aussi tout tracé. Ils doivent apprendre à travailler en "essaims", communiquer entre eux, pour surveiller un aéroport, une centrale nucléaire, un quartier ou un convoi militaire.


La start-up Diodon, créée par deux jeunes ingénieurs, a mis au point un drone à structure gonflable, étanche et facilement repliable pour les commandos de la marine.

Une autre start-up, In Motion, propose des airbags corporels pour protéger skieurs, motards et demain soldats en opérations en cas de chute.

Il faut aussi anticiper la menace adverse, savoir détecter la présence d'explosifs sous des vêtements, apprendre à parer des attentats "télécommandés".

"La voiture autonome c'est une arme formidable pour Daech (l'EI). Demain ils chargeront cinq voitures autonomes, leur donneront rendez-vous place de l'Étoile. Il y aura 400 morts et pas un kamikaze tué !", s'alarme un expert militaire.

Avec AFP