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Le prix de l'internet mobile au coeur d'une controverse politique au Zimbabwe


Un vendeur de rue ajuste les paramètres internet d'un client sur son téléphone à Harare, au Zimbabwe, le 13 janvier 2017.
Un vendeur de rue ajuste les paramètres internet d'un client sur son téléphone à Harare, au Zimbabwe, le 13 janvier 2017.

Augmenter le prix de l'internet mobile relève-t-il de la répression de l'opposition ? Oui, ont répondu les adversaires du très autoritaire président du Zimbabwe Robert Mugabe, dont la colère a contraint le régime à une inattendue marche arrière.

La polémique a éclaté la semaine dernière, lorsque l'autorité de régulation des télécoms (Potraz) a imposé sans discussion aux trois opérateurs qui se partagent le marché local de la téléphonie mobile un triplement des tarifs de l'internet.

Selon la nouvelle grille, télécharger un mégaoctet de données sur son téléphone portable aurait coûté 2 centimes de dollars, soit 20 dollars le gigaoctet. Un luxe inaccessible pour la plupart des quelque 12 millions d'usagers d'un pays au bord de la catastrophe économique et financière.

Sitôt annoncée, cette décision administrative a suscité une levée de boucliers très politique sur les réseaux sociaux.

De nombreux citoyens ont accusé le gouvernement de vouloir contrôler l'information et le mot-dièse #DataMustFall (le prix des données doit baisser) s'est rapidement imposé en tête de liste des plus partagés sur Twitter.

"Cette mesure souligne la détermination du gouvernement à briser la liberté d'information pourtant inscrite dans notre Constitution", dénonce Promise Mkawananzi, le chef de file de #Tajamuka ("Nous sommes agités"), un des principaux mouvements de la société civile engagés dans la lutte contre le régime.

"Elle montre l'intolérance du gouvernement et ses tentatives d'étouffer la mobilisation sur les réseaux sociaux", poursuit-il, "c'est le signe de sa grande inquiétude".

Comme dans beaucoup d'autres pays, WhatsApp, Twitter et Facebook sont devenus les instruments privilégiés de communication des tenants de la nouvelle vague de contestation qui agite la rue zimbabwéenne.

L'an dernier, alors totalement inconnu du grand public, le pasteur Evan Mawarire est parvenu au statut de célébrité nationale par la seule diffusion d'un petit clip vidéo dans lequel, drapé dans un drapeau de son pays, il dénonçait le régime Mugabe.

Avidité

Contre toute attente, la fronde contre l'augmentation des tarifs a obligé le gouvernement à battre prudemment en retraite.

"Je partage les inquiétudes exprimées par de nombreux Zimbabwéens qui utilisent internet et estiment que les nouveaux prix sont beaucoup trop élevés", a affirmé, la main sur le coeur, le ministre de l'Information et de la Communication.

Sans hésiter, Supa Mandiwandira a attribué la faute de cette hausse "choquante" sur "l'avidité d'entreprises gloutonnes".

Prise entre le marteau de son ministre de tutelle et l'enclume de la colère des usagers, la Potraz s'est défendue en expliquant que l'augmentation annoncée visait à "maintenir un délicat équilibre entre un prix abordable et la viabilité des opérateurs".

Un argument aussitôt balayé d'un revers de main par les défenseurs de la liberté sur les réseaux sociaux.

"La Constitution garantit le droit de chercher, recevoir et transmettre des informations", a rétorqué sur Facebook la très militante avocate Fadyazi Mahere. "Une hausse injustifiée des prix des données mobiles est une claire violation de ce droit".

La Coalition sur la crise au Zimbabwe (CZC), qui fédère des critiques du régime, défend la même position.

"Les médias sociaux constituent un moyen de communication pour les Zimbabwéens les plus pauvres et une plate-forme de discussion sur des sujets d'intérêt national comme la démocratie et le développement", note son porte-parole, Dumisani Nkomo.

Le recul des autorités a bien sûr réjoui les adversaires du régime.

Mais aucun ne doute que le gouvernement, connu pour réprimer sans détour tous ceux qui s'élèvent contre lui, revienne rapidement à la charge sur ce front.

Malgré ses bientôt 93 ans, Robert Mugabe, qui dirige le pays d'une main de fer depuis son indépendance en 1980, a déjà annoncé qu'il briguerait un nouveau mandat en 2018.

A l'aube de cette bataille, le libre accès à internet s'annonce déterminant. "Dans ce climat, nous ferions mieux de le considérer comme un droit fondamental", a écrit l'analyste politique Takura Zhangazha. "Sinon, nous serons dépossédés de notre droit à nous exprimer et à accéder à l'information".

Avec AFP

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