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Un projet de révision qui menace les équilibres constitutionnels au Burundi


Les forces de sécurité burundaises déployées après une attaque à la grenade à Bujumbura, le 25 avril 2016.
Les forces de sécurité burundaises déployées après une attaque à la grenade à Bujumbura, le 25 avril 2016.

La révision de la durée du mandat présidentiel, qui pourrait permettre au président burundais Pierre Nkurunziza de se maintenir au pouvoir jusqu'en 2034, n'est qu'une des modifications prévues par un projet de révision qui met à mal les équilibres constitutionnels du Burundi.

Quels sont les principaux changements?

Les principaux piliers de la Constitution, issue de l'Accord de paix d'Arusha (2000), censé assurer l'équilibre du pouvoir entre les deux principales ethnies, les Hutu et les Tutsi, sont profondément remaniés.

La Constitution actuelle prévoit que le chef de l’État est élu pour "un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois". Le projet de réforme allonge la durée du mandat à sept ans et permet au président Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005, de se représenter pour deux septennats à partir de 2020.

Le texte soumis à référendum concentre un peu plus les pouvoirs dans les mains du président. Il prévoit en effet une profonde modification de la structure gouvernementale, avec la suppression d'un poste de vice-président et la création d'un poste de Premier ministre.

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Jusqu'ici, la Constitution stipulait que le pouvoir exécutif était partagé entre le président, les deux vice-présidents et le gouvernement. La nouvelle mouture prévoit désormais que la politique de la Nation est "définie" par le président et "mise en œuvre" par le gouvernement.

Le futur vice-président, issu d'une ethnie et d'un parti différent de ceux du président, voit ses pouvoirs considérablement réduits. Le Premier ministre, issu du parti vainqueur des élections, est seulement chargé de coordonner l'action gouvernementale.

Le nouveau texte ne revient pas sur la question extrêmement sensible des quotas ethniques contenus dans la Constitution actuelle, qui prévoient que le gouvernement et le Parlement doivent être composés à 60% de Hutu et 40% de Tutsi.

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Il les étend même à d'autres domaines (la magistrature et les sociétés publiques), dans lesquels le pouvoir estime que la majorité hutu (85% de la population) est toujours sous-représentée.

Mais il ouvre la possibilité pour le Sénat de réexaminer - et peut-être modifier - ces équilibres ethniques.

Enfin, le redouté Service national de renseignement (SNR), qui dépend directement du président et est considéré comme le bras armé du pouvoir, est doté d'un statut d'exception et n'a plus à respecter la parité (50-50% dans l'armée et la police) entre Hutu et Tutsi.

S’agit-il d’un renforcement du pouvoir pour le président?

Assurément: les pouvoirs du président sont renforcés. Il préside le Conseil des ministres, malgré la présence d'un Premier ministre. Et les dispositions qui garantissaient la présence de partis d'opposition dans le gouvernement sont supprimées.

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Le projet modifie également le quorum nécessaire pour l'adoption des lois au Parlement. Une majorité des 2/3 était jusqu'ici nécessaire, une majorité absolue sera dorénavant suffisante.

De plus, une loi adoptée par le Parlement devient caduque si elle n'est pas promulguée dans un délai de 30 jours par le président, ce qui revient à remettre le pouvoir législatif dans les mains de ce dernier.

L'Accord d’Arusha est-il menacé?

Pour l’opposition et la société civile indépendante aujourd’hui en exil, cette révision constitutionnelle va "enterrer" définitivement l’accord de paix d’Arusha en cassant l’équilibre politico-ethnique qu’il a instauré.

Cet accord garantissait à la majorité hutu, longtemps écartée du pouvoir, d’y accéder grâce au principe "un homme - une voix". Elle acceptait, en contrepartie, de partager le pouvoir avec la minorité tutsi, qui disait craindre un génocide.

En remettant en cause des dispositifs subtils de partage du pouvoir, le projet constitutionnel entérine dans la loi le contrôle de fait de l'omnipotent parti au pouvoir, le CNDD-FDD, issu de l'ancienne principale rébellion hutu.

Qu’en dit la communauté internationale, garante de l'Accord?

La communauté internationale n’a jamais caché son hostilité face à ce projet. Mais elle est paralysée par ses divisions, la Russie et la Chine soutenant le pouvoir burundais, qui se montre inflexible.

Les États-Unis ont condamné un référendum qui va selon eux à l’encontre de l'Accord d'Arusha, et l’Union africaine estime que cet accord ne devrait pas être révisé sans un large consensus.

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Mais même les sanctions financières de l’Union européenne, premier donateur d'un des pays les plus pauvres du monde, n’ont pas permis de faire revenir à la raison les autorités burundaises.

Quel avenir pour le Burundi?

Le régime, embarqué dans une dérive mystico-religieuse, assure que "demain sera radieux", car les Burundais vont enfin être maîtres de leur destin.

Mais l’opposition promet au contraire des lendemains apocalyptiques dans un pays désormais aux mains d’un "parti unique sanguinaire", dirigé par "un guide suprême éternel" et qui va sûrement replonger dans la guerre civile.

Avec AFP

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