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Erdogan fait vaciller l'accord sur les visas après le départ de Davutoglu


Le président Recep Turquie Tayyip Erdogan s'adresse à ses partisans lors d'une cérémonie d'ouverture à Istanbul, le vendredi 6 mai 2016. (Basin Bulbul, Presidential Press Service, Pool via AP)
Le président Recep Turquie Tayyip Erdogan s'adresse à ses partisans lors d'une cérémonie d'ouverture à Istanbul, le vendredi 6 mai 2016. (Basin Bulbul, Presidential Press Service, Pool via AP)

Le président turc Recep Tayyip Erdogan s'est vivement opposé à une réforme de la loi antiterroriste exigée par Bruxelles pour une exemption de visa, dont Ankara a fait une condition indispensable pour appliquer l'accord sur les migrants.

Dans un discours enflammé, M. Erdogan a également exhorté le Parlement turc à soumettre dans "les plus bref délais" à référendum une réforme constitutionnelle qui renforcerait les prérogatives présidentielles, au lendemain de l'annonce du prochain départ du Premier ministre Ahmet Davutoglu.

Ce dernier a piloté, côté turc, les discussions avec les responsables européens qui ont abouti le 18 mars à un accord avec l'Europe sur les migrants qui pourrait rapporter aux citoyens turcs une exemption de visas dans l'espace Schengen d'ici fin juin.

La Commission européenne a donné cette semaine son feu vert à cette mesure, à condition que la Turquie remplisse dans les délais les 72 critères exigés par l'UE, parmi lesquels figure une redéfinition de la loi antiterroriste, jugée trop large, en conformité avec les normes démocratiques européennes.

"L'UE nous demande de modifier la loi antiterroriste. Mais alors dans ce cas nous dirons : Nous irons de notre côté et vous du vôtre", a tonné l'homme fort de la Turquie lors d'un discours public à Istanbul, "allez vous accorder avec qui vous pouvez".

Si Ankara affirme avoir rempli la plupart des 72 critères, un assouplissement de la loi antiterroriste est un sujet délicat en Turquie, embourbée dans le conflit kurde dans le sud-est et secouée par une série d'attentats attribués au groupe Etat islamique (EI).

"Nous ne pouvons pas nous permettre de faire ces changements pendant que la lutte intensive contre le terrorisme est en cours", a déclaré le ministre des Affaires européennes Volkan Bozkir, cité par le quotidien Sabah.

- 'Gros risque' -

Conséquence, "il y a désormais un très grand risque pour que l'accord sur les migrants s'effondre", a indiqué à l'AFP Amanda Paul, du groupe de réflexion European Policy Center. Si Ankara ne remplit pas tous les critères exigés par Bruxelles, il serait "difficile de voir comment l'UE peut légitimement procéder à la libéralisation des visas", a-t-elle ajouté.

La Turquie en a fait une condition indispensable pour continuer d'appliquer l'accord controversé sur les migrants, en vertu duquel elle a notamment accepté le retour sur son sol de tous les migrants entrés illégalement en Grèce depuis le 20 mars.

L'annonce du départ prochain du Premier ministre Ahmet Davutoglu, artisan de l'accord côté turc, a plongé l'Europe, où il était un interlocuteur jugé fiable, dans l'expectative. Berlin a dit espérer la poursuite d'une "coopération bonne et constructive" avec le prochain chef du gouvernement turc.

"C'est un peu tôt pour dire si (le départ du Premier ministre turc) aura des implications (sur les relations UE-Turquie) et le cas échéant lesquelles", a réagi jeudi la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini.

La mise à l'écart de M. Davutoglu ouvre la voie au renforcement du pouvoir du président Erdogan, qui a paru moins enthousiaste que son Premier ministre à l'idée d'un rapprochement avec l'UE et a fait de la présidentialisation du régime l'une de ses priorités.

"Pourquoi ne changez-vous d'abord pas votre mentalité alors que vous permettez à des terroristes de dresser des tentes à côté du Parlement européen ?", a dit M. Erdogan vendredi sous les applaudissements de la foule venue l'écouter, vraisemblablement en référence à une action récente de militants kurdes près du Conseil de l'Europe.

Les tensions sont récurrentes entre l'UE et le président turc, accusé par ses détracteurs de dérive autoritaire en multipliant notamment les procès pour "insulte" contre les journalistes et en exigeant la levée de l'immunité des députés prokurdes.

Son Premier ministre à peine évincé, M. Erdogan a souhaité vendredi un référendum rapide sur un changement de la Constitution en vue d'une présidentialisation du régime, qui consacrerait son pouvoir incontestable en Turquie, "une nécessité urgente", a-t-il déclaré à Istanbul, appelant à soumettre le projet "dans les plus brefs délais" à un vote populaire.

Pour y arriver seul, le parti AKP au pouvoir a besoin de 330 des 550 voix du Parlement, où il en détient actuellement 317. Si M. Erdogan semble à ce stade exclure des législatives anticipées, certains observateurs estiment qu'il pourrait être tenté de le faire, alors que deux des trois partis de l'opposition parlementaire sont en crise.


Avec AFP

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