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Russie: l'un des rares médias indépendants ne le sera peut-être plus


Mikhail Prokhorov, le propriétaire du groupe de médias RBK.
Mikhail Prokhorov, le propriétaire du groupe de médias RBK.

Le groupe de médias RBK, l'un des rares considérés comme indépendants en Russie et en pointe sur plusieurs dossiers sensibles à l'instar des "Panama Papers", a annoncé vendredi le départ groupé de trois rédacteurs en chef, suscitant des soupçons de pressions du Kremlin.

Malgré le tour de vis exercé sur les médias depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 2000, le quotidien de la holding publie régulièrement, en plus de ses articles pédagogiques décryptant le marché du pétrole ou la guerre en Syrie, des enquêtes sur les conflits d'intérêt au sommet du pouvoir ou les activités des proches des dirigeants russes.

RBK, qui comprend aussi une chaîne de télévision d'informations financières et une agence alimentant un site internet, appartient au milliardaire Mikhaïl Prokhorov, qui avait créé la surprise en se plaçant troisième à la présidentielle de 2012 avec 8% des voix.

La rédactrice en chef du groupe, Elizaveta Ossetinskaïa, en poste depuis fin 2013, le rédacteur en chef du quotidien, Maxime Solious, (printemps 2014) et celui de l'agence, Roman Badanine, (janvier 2014), quittent le groupe dès vendredi, a annoncé la holding.

"Ces derniers temps nous avons beaucoup discuté de la manière de développer RBK et nous n'avons pas pu arriver à une position commune sur des questions importantes, d'où notre décision de nous séparer", a expliqué le directeur général de RBK, Nikolaï Molibog, cité dans un communiqué.

Au moins quatre autres responsables de la rédaction, dont les deux adjoints de M. Solious, ont annoncé sur leur profil Facebook leur intention de partir dans les prochaines semaines.

- 'Exigence du Kremlin' -

"Je n'ai absolument aucun doute sur le fait que cette décision a été prise sous la pression du pouvoir", a affirmé à l'agence Interfax Pavel Goussev, président de l'Union des journalistes de Moscou, dressant un parallèle avec la reprise en main de la chaîne privée NTV au début des années 2000.

Ces départs constituaient "une exigence du Kremlin" et "le prix à payer pour Prokhorov pour garder sa holding", a estimé le rédacteur en chef de la radio indépendante Echo de Moscou Alexeï Venediktov, cité par Interfax.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a rejeté vendredi "toute pression sur la politique éditoriale ou la holding": Vladimir Poutine "est partisan du pluralisme en terme d'information".

Le site Meduza, créé par des journalistes indépendants russes en Lettonie voisine pour se protéger des autorités, a jugé dans un éditorial que vendredi marquait la fin de RBK comme "principal média indépendant en Russie", visé pour des raisons de "susceptibilité et par esprit de revanche".

Le quotidien a publié ces derniers mois des enquêtes concernant les conflits d'intérêt touchant des responsables comme le ministre de l'Agriculture, Alexandre Tkatchev, ou les activités de leurs proches, comme le fils du procureur général, Iouri Tchaïka, ou l'homme d'affaires Kirill Chamalov, identifié par certains médias comme le gendre de Vladimir Poutine.

Le journal a également accordé une large place aux révélations des "Panama Papers". Selon le consortium de journalistes qui a dévoilé l'affaire, des proches de Vladimir Poutine, et en premier lieu le violoncelliste Sergueï Roldouguine, ont dissimulé à l'étranger jusqu'à deux milliards de dollars.

Un adjoint du ministre de la Communication, Alexeï Voline, a assuré à Interfax qu'il était "absurde de chercher de la politique là où il s'agit purement d'économie", car la holding "générait des pertes".

Le sort de RBK alimente de nombreuses spéculations, notamment depuis l'ouverture d'une enquête la visant liée à la vente d'une ancienne filiale, et la relance de rumeurs d'une vente prochaine de la holding.

RBK "va cesser d'être un média impertinent par ses investigations et va probablement changer de propriétaire", estime le politologue Nikolaï Petrov, de la Haute Ecole d'Economie de Moscou, interrogé par l'AFP.

Ce tumulte intervient alors que le pouvoir continue de renforcer son contrôle sur les médias. Une nouvelle loi entrée en vigueur au début de l'année limite la présence d'actionnaires étrangers dans le secteur, ce qui a provoqué la vente par l'allemand Axel Springer de l'édition russe du magazine Forbes ou encore le départ du Wall Street Journal et du Financial Times du capital du quotidien libéral Vedomosti.


Avec AFP

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