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Renvoi aux assises requis en France pour un médecin rwandais


Illustration de Tito Barahira et Octavien Ngenzi, dans le box des accusés pour le génocide au Rwanda, à Paris, le 2 mai 2018.
Illustration de Tito Barahira et Octavien Ngenzi, dans le box des accusés pour le génocide au Rwanda, à Paris, le 2 mai 2018.

Au terme de 23 ans d'enquête, le parquet de Paris a requis le renvoi aux assises de Sosthène Munyemana, un médecin rwandais accusé d'être acteur et complice du génocide de 1994, a-t-on appris jeudi de sources concordantes.

Il revient désormais au juge d'instruction de décider de la tenue ou non d'un procès contre cet ancien docteur de Butare (sud du Rwanda), réfugié en France en septembre 1994, quelques mois après la fin des massacres.

Dans ce réquisitoire de 177 pages signé le 11 mai, le procureur accuse M. Munyemana, 63 ans, d'avoir cosigné "une motion de soutien au gouvernement" génocidaire et d'avoir participé au comité de sécurité de Tumba ayant organisé la traque des civils tutsi, durant les deux dernières semaines d'avril 1994, peu après le début des massacres au Rwanda, qui ont fait, entre avril et juillet 1994, environ 800.000 morts, essentiellement parmi la minorité tutsi, mais aussi chez les Hutu modérés.

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Il lui reproche aussi la détention "dans des conditions inhumaines des civils tutsi dans les locaux du bureau de secteur alors sous son autorité", d'avoir relayé "auprès des miliciens les instructions des autorités sur la traque des Tutsi" et d'avoir assuré le transfert de civils détenus vers des "sites de regroupement (...) en connaissance des exactions massives qui s'y déroulaient".

"Cet homme, qui était gynécologue, a assumé son rôle d'autorité dans le village et il s'est comporté comme il devait en essayant de protéger les réfugiés dans un contexte difficile, mais toute sa participation à la vie publique est reconstruite pour se retourner contre lui", a regretté son avocat, Me Jean-Yves Dupeux.

Ce dernier dénonce un dossier basé uniquement sur des témoignages à charge, "alors qu'aujourd'hui un témoin à décharge risque sa vie au Rwanda" et que son client, qui a refait sa vie en France, n'y a plus de relations sur place pour l'aider à soutenir sa version des faits.

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Conclue en mars 2017, cette information judiciaire avait été ouverte en 1995 à Bordeaux (sud-ouest de la France) puis transférée en 2001 à Paris. D'abord témoin assisté, le médecin avait finalement été mis en examen en 2011.

Il s'était vu refuser en 2008 sa demande d'asile en raison des soupçons pesant sur lui. La demande d'extradition formulée par Kigali à son encontre avait été rejetée en 2010.

Le Dr Sosthène Munyemana, marié et père de trois enfants, exerce depuis 17 ans comme urgentiste dans un hôpital de Villeneuve-sur-Lot (sud-ouest).

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"Tout ce que je sais à son sujet, c’est que c’est un très bon médecin, très humain, contre lequel nous n’avons jamais eu la moindre plainte", a réagi le directeur de l'hôpital auprès du journal La Dépêche.

Quelque 25 dossiers liés au génocide rwandais sont instruits au pôle "crimes contre l'humanité" du tribunal de Paris, créé en 2012 face à l'accumulation des plaintes, plusieurs auteurs présumés s'étant réfugiés en France.

À ce jour, leur travail a débouché sur deux grands procès: celui de Pascal Simbikangwa, dont la peine à 25 ans de prison pour génocide a été définitivement confirmée jeudi, et celui de deux anciens maires rwandais, condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité et dont le procès en appel a débuté fin avril.

En novembre 2017, la justice a ordonné un troisième procès aux assises, visant cette fois Claude Muhayimana, un Franco-Rwandais accusé de "complicité" de génocide pour avoir transporté des miliciens auteurs de massacres. L'appel formé contre cette décision doit encore être examiné par la justice.

Avec AFP

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