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Rentrer ou rester, le choix difficile d'Ivoiriens réfugiés au Togo


Fin 2010, Laurent Gbagbo avait contesté les résultats de l’élection présidentielle donnant Alassane Ouattara vainqueur, ce qui avait provoqué une violente crise faisant quelque 3.000 morts.
Fin 2010, Laurent Gbagbo avait contesté les résultats de l’élection présidentielle donnant Alassane Ouattara vainqueur, ce qui avait provoqué une violente crise faisant quelque 3.000 morts.

Étudiant à Abidjan, Jiher Gnangbé, a fui en mai 2011 son pays qui sortait tout juste d'une violente crise post-électorale pour se réfugier au Togo où il a posé ses valises comme sept milliers d'autres Ivoiriens au camp d'Avépozo, dans la banlieue de Lomé.

Onze ans plus tard, 6.000 d'entre-eux ont regagné la Côte d'Ivoire, où une paix durable s'est installée. Mais pour Jiher Gnanbé, un ancien partisan de Laurent Gbagbo, pas question de rentrer. Il veut rester au Togo, même si dans quelques jours, le 30 juin prochain, il perdra son statut de réfugié.

L'Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), estime que la Côte d'Ivoire a "tourné la page" de cette crise et décidé de lever le statut de réfugiés pour des dizaines de milliers d'Ivoiriens toujours installés dans les pays voisins, principalement au Ghana, Liberia, Bénin et Togo.

Jiher Gnangbé, lui, n'est pas de cet avis. "Je ne veux pas rentrer à Abidjan, parce que j'ai toujours peur d'être arrêté", dit cet ancien étudiant en criminologie qui, durant la présidentielle de 2010, était chargé de mobiliser les jeunes d'un quartier de la ville pour la victoire de Laurent Gbagbo.

Fermeture du camp de réfugiés ivoiriens d’Avépozo au Togo
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Fin 2010, Laurent Gbagbo avait contesté les résultats de l’élection présidentielle donnant son adversaire Alassane Ouattara vainqueur, ce qui avait provoqué une violente crise faisant quelque 3.000 morts.

"J’ai fui le pays parce que j’étais recherché par des forces de l’ordre. Mon père, militaire, a été tué dans des manifestations", raconte le réfugié dont le visage s'assombrit. La dizaine de réfugiés interrogés par l'AFP dans ce camp étaient, au moment de la crise, des partisans de Laurent Gbagbo qui avaient fui la Côte d'Ivoire après l'arrestation de l'ancien président en avril 2011.

En dépit d'une réconciliation nationale et du retour en Côte d'Ivoire de M. Gbagbo, acquitté par la Cour pénale internationale (CPI) qui le poursuivait pour crimes contre l'humanité, Jiher Gnanbé "préfère rester à Lomé". Durant cette décennie, il a établi à Lomé un petit commerce d'attiéké, la semoule de manioc ivoirienne dont raffolent ses voisins ouest-africains.

Option rapatriement

Comme lui, ils sont près de 200 dans le camp d'Avépozo à avoir reçu le 16 juin dernier un passeport des autorités ivoiriennes, qui leur permettra de rester au Togo, après expiration de leur carte de réfugiés. En tant que ressortissants d'un pays de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), les Ivoiriens n'ont pas nécessairement besoin d'une carte de séjour pour vivre au Togo. Un passeport ivoirien leur permet de circuler librement.

Denise Koffi, 43 ans, habite le camp d’Avépozo depuis le 24 mai 2011 et elle a également décidé de rester: "J’ai vécu deux crises, en 2002 et 2011 et rien ne prouve qu'il n'y aura pas une autre crise", dit-elle. "Je suis toujours traumatisée", lâche cette mère de trois enfants.

Interdiction d'une manifestation par le gouvernement togolais
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Au total, "le Togo a accueilli 7.000 réfugiés ivoiriens en 2011. Dans nos bases de données en début d’année 2022, on dénombrait encore environ 1.000 réfugiés ivoiriens dont 800 dans le camp d’Avépozo", souligne la cheffe du bureau du HCR au Togo, Monique Atayi. Deux solutions existent après la levée de leur statut: "le rapatriement volontaire et l’intégration locale", ajoute-elle.

Après plus de onze ans au Togo, Sylvie Gnayoro, 42 ans, a choisi d'être rapatriée. "Les autorités ivoiriennes nous ont rassurés", dit cette ancienne militante du parti de M. Gbagbo, dont la boutique à Abidjan avait été incendiée et sa vie menacée par des jeunes de son quartier. Elle se dit soulagée de quitter le camp: "c’était vraiment dur. Les maisons sont délabrées, le HCR ne nous apporte plus assistance depuis 2013 et chacun se débrouille", dit-elle.

Composé au départ de tentes faites avec des bâches, le camp d’Avépozo – situé en bordure de mer – comprend depuis 2013, plus de 300 petites cabanes en bois, avec des toits en tôles, la plupart dans un état de délabrement avancé. Pas d’infirmerie, les locaux ayant été incendiés en 2013 par les réfugiés eux-mêmes, lors d’une manifestation pour exiger une amélioration de leurs conditions de vie.

Neuf ans plus tard, la situation ne s'est pas améliorée. Alors la moitié des réfugiés toujours présents ont choisi l'option rapatriement. Nombreux sont ceux qui évoquent le manque d'opportunités au Togo, l'un des pays les plus pauvres au monde, face au fort dynamisme de l'économie ivoirienne, dont le taux de croissance dépasse les 6% en 2021.

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