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Présidentielle au Niger: duel de barons au second tour


Une femme dépose son bulletin de vote dans l'urne à Niamey, le 27 décembre 2020, lors des élections présidentielles et législatives du Niger.
Une femme dépose son bulletin de vote dans l'urne à Niamey, le 27 décembre 2020, lors des élections présidentielles et législatives du Niger.

Environ 7,4 millions de Nigériens choisiront dimanche Mohamed Bazoum ou Mahamane Ousmane comme nouveau président, une première démocratique dans ce pays à l'histoire marquée par les coups d'Etat.

Jamais le Niger n'a vu deux présidents élus se succéder depuis l'indépendance de la France en 1960. La plupart des régimes ont néanmoins été emportés par des putschs militaires: depuis l'indépendance, il y a eu six élections et quatre coups d'Etat.

"Passer le pouvoir en 2021 à un successeur démocratiquement élu (...) sera ma plus belle réalisation", a déclaré le président sortant Mahamadou Issoufou, dont le retrait a été unanimement salué sur la scène internationale, de nombreux dirigeants d'Afrique de l'Ouest s'accrochant au pouvoir.

Son successeur sera soit M. Bazoum, son fidèle lieutenant, soit M. Ousmane, le premier président démocratiquement élu du Niger en 1993 qui cherche depuis sa chute trois ans plus tard à redevenir chef d'Etat.

Tous deux sont des barons de la politique nigérienne dominée par environ une dizaine d'hommes qui font et défont les alliances depuis trente ans pour tenter de se porter au pouvoir.

Le candidat à la présidence du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PDNS) Mohamed Bazoum prononce un discours lors d'un rassemblement à Diffa, le 23 décembre 2020.
Le candidat à la présidence du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PDNS) Mohamed Bazoum prononce un discours lors d'un rassemblement à Diffa, le 23 décembre 2020.

Dimanche, l'élection n'échappera pas à cette règle des alliances: M. Bazoum, 60 ans, arrivé en tête du premier tour avec 39,3% des voix, a négocié contre de futurs postes le soutien de deux autres ténors arrivés en 3e et 4e position du premier tour du 27 décembre, Seïni Oumarou et Albadé Abouba.

"Bazoum dispose d'une coalition qui est a priori gagnante si les consignes de vote des partis qui le soutiennent sont respectés par leurs militants", selon Ibrahim Yahya Ibrahim, chercheur à International Crisis Group. C'est cependant "très loin d'être gagné", estime-t-il.

Mahamane Ousmane, 71 ans, qui a glané presque 17% des voix au premier tour, peut lui compter sur la coalition d'opposants "Cap 20-21", sur le soutien de l'ex-chef de la junte Salou Djibo (près de 3% au premier tour) et surtout sur celui du farouche opposant au pouvoir Hama Amadou, qui n'a pu se présenter.

Ce dernier a été écarté par la justice en raison de sa condamnation en 2017 à un an de prison dans une affaire de trafic de bébés, condamnation qu'il a a qualifiée de "politique".

Enjeux économiques et sécuritaires

M. Bazoum a misé durant la campagne sur la continuité avec le régime passé, arguant des résultats acquis et insistant sur le développement nécessaire d'un pays classé dernier au monde en termes d'indice de développement humain (IDH), mais premier en croissance démographique avec une moyenne de sept enfants par femme.

Un immense défi dans un contexte sécuritaire catastrophique: dans l'Est, le groupe jihadiste Boko Haram attaque sans discontinuer la région de Diffa, et l'Ouest est de plus en plus sous le joug d'un autre groupe jihadiste affilié à l'Etat islamique.

L'ancien président du Niger, Mahamane Ousmane, s'exprime lors d'une marche à Niamey le 15 juin 2014.
L'ancien président du Niger, Mahamane Ousmane, s'exprime lors d'une marche à Niamey le 15 juin 2014.

Les attaques se sont multipliées ces dernières années sur les deux fronts et le Niger, comme les autres pays du Sahel, peine à y faire face. Plusieurs centaines de soldats nigériens ont été tués.

"Des milliers" d'entre eux ont été déployés pour sécuriser le scrutin, "surtout dans les zones exposées a l'insécurité", a assuré à l'AFP un haut responsable du ministère de la Défense.

Crainte de "pratiques déloyales"

Cette dégradation sécuritaire intervient dans un pays où la corruption est jugée endémique et où quasiment la moitié de la population (41,4%) était en situation d'extrême pauvreté en 2019, selon la Banque mondiale.

Sur les quelque 22 millions d'habitants que compte le pays, seuls 7,4 millions sont appelés à voter dimanche. Le reste de la population est composée majoritairement de mineurs.

A quelques jours du scrutin, il n'y avait quasiment pas de trace à Niamey de la campagne, hormis de grands panneaux à l'effigie des candidats.

L'opposition a crié à la fraude après le premier tour et a déposé des recours en justice, tous déboutés.

Le défi n'est pas tant la fraude mais les "pratiques déloyales", estime une source diplomatique en mettant en avant l'imposante machine du parti au pouvoir, contre laquelle il est difficile de lutter. L'élection "n'est pas parfaite mais a le mérite d'être là", selon cette source.

Les bureaux de vote seront ouverts de 8H00 (7H00 GMT) à 19H00 (18H00 GMT). La campagne s'achève vendredi à minuit, et les frontières seront fermées dimanche pendant 24 heures.

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