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Pierre Nkurunziza, president, du maquis à la volonté divine


Pierre Nkurunziza, président du Burundi
Pierre Nkurunziza, président du Burundi

Chef rebelle durant la guerre civile, gravement blessé, Pierre Nkurunziza survit quatre mois dans des marécages. De là date sa conversion : Dieu, dit-il, lui est apparu pour lui annoncer qu'il dirigerait un jour le Burundi.

Ceux qui le connaissent le décrivent volontiers comme "impitoyable". Mais ce Hutu - l'ethnie majoritaire - de 50 ans au crâne rasé, grand sportif et chrétien évangélique "born again" prosélyte, pourra continuer de se poser en "père de la Nation": il vient de décrocher un troisième mandat, après avoir provoqué la pire crise qu'ait connue le pays depuis la guerre civile de 1993-2006 et ses 300.000 morts.

Au pouvoir depuis 2005, il n'a pas hésité à braver une fronde interne et les pressions internationales pour se représenter en 2015, quitte à diviser ce petit pays des Grands Lacs et l'isoler sur la scène diplomatique.

Sa réélection, avec 69,41% des voix, se sera faite au prix d'une brutale répression de la contestation déclenchée par sa candidature -- plus de 80 morts -- et d'un putsch manqué.

Formé par des années de maquis, "Nkurunziza est quelqu'un qui a un instinct de survie et de maintien au pouvoir très élevé, quelqu'un de très calculateur qui s'est mis à travailler pour sa prochaine réélection dès qu'il a été élu en 2005", assure Innocent Muhozi, président de l'Observatoire de la presse au Burundi (OPB).

"Ce sont ses détracteurs qui tiennent ce genre de discours", rétorque le responsable de la communication présidentielle, Willy Nyamitwe.

Cet homme-clé du pouvoir burundais détaille la semaine de travail de M. Nkurunziza: du lundi au jeudi, le président rejoint son bureau à 06H30 après une heure de natation, repart dans l'après-midi pour une partie de football ou de basket. Puis "il monte à l'intérieur du pays à la rencontre de la population, pour s'adonner aux travaux communautaires, avant de consacrer le dimanche à sa famille".

Un emploi du temps qui fait tiquer ses détracteurs. "Ce président passe son temps à construire des écoles, pétrir le ciment ou la boue, jouer au football ou prier et n'a pas le temps de s'occuper des dossiers", ironise Léonce Ngendakumana, président du parti d'opposition Frodebu.

M. Nkurunziza se déplace rarement sans son équipe de football et sa chorale, jouant avec des équipes locales et organisant des prières là où il passe.

Pour ses nombreux partisans, cela ne l'empêche pas d'avoir réalisé une oeuvre "titanesque", notamment la construction de plus de 5.000 écoles et dix stades omnisports, dont un, dans sa localité natale, à Buye (nord), lui est exclusivement réservé.

Pierre Nkurunziza est né le 18 décembre 1964 dans une famille aisée. En 1972, son père est tué lors de massacres interethniques qui déciment l'élite hutu.

"Nkurunziza, comme la plupart des dirigeants de la rébellion des FDD" formée au début de la guerre civile, "est un orphelin de 1972", explique un haut fonctionnaire.

A la sortie du lycée, il veut devenir officier ou économiste: impossible, du fait des restrictions contre les Hutu instaurées par le pouvoir tutsi d'alors. En 1991, il devient finalement professeur d'éducation physique, selon ses dires.

Il rejoint la rébellion hutu en 1995, se retrouve grièvement blessé. C'est de là que date sa conversion au christianisme évangélique.

"Nkurunziza croit (...) qu'il est président de la République de par la volonté divine" et "organise donc toute sa vie et sa gouvernance" en conséquence, confirme son porte-parole. Chaque année, lors de grandes "croisades de prières", le président et son épouse, pasteure évangéliste, prêchent devant citoyens et hauts responsables.

Alexis Sinduhije, opposant en exil, doute pourtant de cette piété affichée: "La pauvreté s'est accrue, les violations des droits de l'Homme sont la règle et la corruption s'est généralisée depuis que Nkurunziza est au pouvoir".

Au-delà de l'opposition et de la société civile, les velléités de réélection de M. Nkurunziza ont été contestées jusque dans son parti. Le CNDD-FDD l'a désigné comme candidat fin avril, mais quelque 130 cadres du parti se sont publiquement opposés à un troisième mandat. Tous ont perdu leurs postes, certains se retrouvant en prison, d'autres choisissant la clandestinité.

Des caciques du régime, ouvertement opposés à ce troisième mandat, ont pris le chemin de l'exil. Certains ont dénoncé menaces et pressions.

"Sous ses dehors de gentil, c'est un homme impitoyable", résume un ex-proche du président. "Gare à ceux qui vont se mettre en travers de sa route", mettait-il en garde avant l'élection.

Avec AFP

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