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Turquie: la levée de l'immunité parlementaire approuvée, le parti pro-kurde menacé


Les pro-kurdes du parti d'opposition HDP à Ankara, en Turquie, le 20 mai 2016.
Les pro-kurdes du parti d'opposition HDP à Ankara, en Turquie, le 20 mai 2016.

Le Parlement turc a largement approuvé vendredi une réforme constitutionnelle controversée pour lever l'immunité des députés visés par des procédures judiciaires, suscitant l'inquiétude, en Turquie et en Europe, sur l'avenir des élus prokurdes, qui s'estiment ciblés.

La chancelière allemande Angela Merkel, accusée de fermer l'oeil sur des violations de la liberté d'expression en Turquie pour préserver un accord sur les migrants, a déjà fait savoir qu'elle évoquerait l'état de la démocratie avec M. Erdogan lundi à Istanbul, où se tiendra le premier Sommet humanitaire mondial.

Le texte voté vendredi, présenté par le parti au pouvoir, a reçu l'aval de 376 des 550 députés de la Grande assemblée nationale de Turquie (TBMM), a annoncé vendredi son président Ismail Kahraman, soit plus que les deux tiers (367) requis pour une adoption directe. Le président Recep Tayyip Erdogan doit encore le ratifier.

A ce jour, 138 députés, de tous les partis représentés au Parlement sont exposés à des poursuites judiciaires sans leur immunité, dont 50 élus (sur 59) du Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde).

Le HDP, accusé par le pouvoir turc d'être la "vitrine politique" du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation classée terroriste par Ankara et ses alliés occidentaux, dénonce une manoeuvre du gouvernement pour l'évincer du Parlement, où il est actuellement la troisième force.

Un affaiblissement du HDP pourrait renforcer le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir, en plein débat sur la présidentialisation du régime voulue par M. Erdogan pour asseoir son autorité, déjà renforcée par l'arrivée imminente d'un homme loyal, Binali Yildirim, à la tête du gouvernement.

Cette réforme devrait tendre un peu plus les relations entre Ankara et Bruxelles, qui se sont dégradées après le refus de M. Erdogan s'assouplir la loi antiterroriste turque, jugée trop permissive par Bruxelles et utilisée pour multiplier les poursuites pour "propagande terroriste" en plein conflit kurde.

- 'Epée de Damoclès' -

"Pour la stabilité intérieure de toute démocratie, il est important que tous les groupes sociétaux pertinents soient représentés aussi au Parlement", a souligné vendredi le porte-parole de Mme Merkel, Steffen Seibert.

Peu avant l'annonce du résultat, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait évoqué "un vote historique" sur cette réforme contestée qui a donné lieu à des rixes lors de son examen en commission parlementaire.

"Mon peuple ne veut pas voir au Parlement des députés qui ont commis des crimes", a-t-il dit à Rize (nord-est), "et surtout pas ceux qui soutiennent l'organisation terroriste séparatiste", expression désignant le PKK.

Ce vote survient alors que le sud-est à majorité kurde de la Turquie est de nouveau ensanglanté par des combats quotidiens entre le PKK et les forces de sécurité. Plusieurs députés du HDP sont accusés de "propagande terroriste", ce qu'ils nient.

M. Erdogan répète qu'il ne fait "aucune différence" entre des "terroristes qui portent une arme" et ceux qui font de la "propagande terroriste". De nombreux journalistes et universitaires ont été poursuivis pour ce chef d'accusation.

Le texte voté vendredi sera utilisé comme "une épée de Damoclès contre les députés de l'opposition", a dit à l'AFP Aykan Erdemir, de la Fondation pour la défense des démocratie, un groupe de réflexion.

"C'est une étape historique vers le démantèlement de la démocratie parlementaire en Turquie", a-t-il ajouté, le pays "a fait un grand pas en avant vers l'autoritarisme et le règne d'un seul homme".

Au regard du résultat du scrutin, l'AKP semble avoir serré les rangs autour de la ligne de M. Erdogan, alors que le vote à bulletin secret aurait pu favoriser les voix dissidentes, deux semaines après l'éviction du Premier ministre Ahmet Davutoglu.

Les deux leaders de la formation prokurde, Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag, figurent parmi les députés exposés à des poursuites judiciaires et ont plusieurs fois affirmé qu'ils ne répondraient à aucune convocation éventuelle par un tribunal.

"Vous dites +oui+ à une tentative de coup d'Etat, c'est ainsi que vous passerez à la postérité", a réagi sur Twitter une députée du HDP, Filiz Kerestecioglu.

Une députée actuelle du HDP, Leyla Zana, a passé 10 ans en prison (1994-2004) après la levée de son immunité parlementaire en 1994. Elle avait reçu l'année suivante le prix Sakharov du Parlement européen.

Avec AFP

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