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Pakistan: renvoi du procès d'Asia Bibi pour blasphème


Asia Bibi
Asia Bibi

La Cour suprême pakistanaise a renvoyé jeudi sine die le procès en appel de la mère de famille chrétienne Asia Bibi, condamnée à la peine de mort pour blasphème, après le désistement d'un juge.

Des centaines de policiers avaient été déployés à Islamabad notamment en vue de cet ultime appel, dont l'issue doit avoir selon les observateurs des conséquences "énormes" pour les minorités dans la république islamique conservatrice.

Mais la crainte de violences s'est largement atténuée après que l'un des trois juges composant la Cour, le magistrat Iqbal Hameed ur Rehman, a renoncé à juger Mme Bibi, entraînant un renvoi.

Le magistrat a expliqué sa décision par le fait qu'il avait déjà jugé le meurtrier de Salman Taseer, un libéral qui était gouverneur du Pendjab.

"Les deux cas sont liés", a-t-il expliqué à l'audience, selon un journaliste AFP présent.

Salman Taseer avait été abattu en plein Islamabad en 2011 après avoir pris la défense de Mme Bibi.

Son assassin, Mumtaz Qadri, a été pendu début 2016, une décision saluée par les libéraux, qui a poussé les conservateurs à manifester en réclamant que Mme Bibi soit à son tour exécutée.

Les avocats d'Asia Bibi, qui est dans le couloir de la mort depuis 2010, plaident l'annulation de sa peine de mort.

"Nous avons beaucoup d'espoir", avait déclaré l'avocat de Mme Bibi, Saif-ul-Mulook, à l'AFP avant le renvoi.

Selon un officier de police, au moins 3.000 membres des forces de sécurité avaient été déployés à travers la capitale. Une centaine de policiers, dont nombre en tenue anti-émeutes, étaient en faction devant la Cour suprême à Islamabad.

Le blasphème est une question très sensible au Pakistan, où de simples accusations peuvent déclencher des lynchages.

Asia Bibi a été condamnée après une dispute avec une musulmane au sujet d'un verre d'eau. Elle insiste sur son innocence et ses défenseurs soulignent que toute l'affaire est née d'un différend personnel.

En six années de bataille judiciaire, son cas est devenu emblématique des dérives de la législation réprimant le blasphème au Pakistan, souvent instrumentalisée, selon ses détracteurs, pour régler des conflits personnels via la diffusion de fausses accusations. La minorité chrétienne en fait particulièrement les frais.

Après le rejet de plusieurs recours, si la Cour suprême confirme en appel la peine de mort, le dernier espoir de Mme Bibi serait un recours en grâce auprès du président.

Il est rare que les tribunaux se montrent cléments dans les cas de blasphème, mais aucun condamné pour blasphème n'a jusqu'ici été légalement exécuté. Les répercussions de cette décision sont donc "énormes" pour les minorités, les droits de l'Homme et la loi contestée sur le blasphème, souligne Shahzad Akbar, avocat spécialiste des droits de l'Homme.

Certains groupes ont qualifié ce cas de lutte pour "l'âme" du Pakistan, alors que l'Etat se retrouve pris entre le respect des droits de l'Homme et la pression des groupes extrémistes.

Avec AFP

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