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Musique de chambre à l'hôpital, un concert pour apaiser la douleur


Une infirmière s’occupe d’un nouveau-né dans un hôpital à Buenos Aires, Argenine, 12 avril 2002.
Une infirmière s’occupe d’un nouveau-né dans un hôpital à Buenos Aires, Argenine, 12 avril 2002.

Dès le premier accord, l'ambiance change dans l'hôpital Alvarez de Buenos Aires: les notes de Brahms résonnent, la musique ne soigne pas mais elle soulage l'âme des malades. Depuis les balcons et les escaliers, le personnel de l'hôpital et les internes qui peuvent se déplacer observent le spectacle.

Dans le hall central de l'hôpital public Alvarez, où les usagers attendent leur rendez-vous, l'ensemble de 70 musiciens termine d'interpréter un extrait de La Traviata, opéra de Verdi. Les applaudissements et les bravos retentissent.

Les artistes essaient de ne pas troubler la routine du centre hospitalier, mais c'est peine perdue: les cuivres résonnent pendant la Danse hongroise de Brahms. Surpris, certains pensionnaires se disent gênés, mais la plupart sont fascinés.

"Je n'avais jamais entendu un orchestre (classique)", confie Liliana, qui filme la scène avec son téléphone portable, pour sa soeur hospitalisée trois étages plus haut.

Une femme demande à chanter, à la surprise générale. Claudia Llovet est soprano, elle se trouve à l'hôpital pour une consultation et connaît les vertus de la musique contre la maladie. "Je chantais à ma mère qui souffrait d'un Alzheimer. Elle ne me reconnaissait plus, c'était la seule manière de partager quelque chose", se souvient-elle, émue.

"La musique a un effet curatif car elle est liée à la spiritualité, et pour les patients qui sont en fin de vie, cela permet de reconnecter avec la gaieté, le bonheur, et l'émotion. C'est totalement thérapeutique", affirme Ana Maria Soriano, en charge des soins palliatifs dans le service d'oncologie.

Les musiciens ont été réunis par l'association Musique pour l'âme, qui rassemble des bénévoles issus d'orchestres prestigieux.

- La musique adoucit les maux -

Ce réseau musical solidaire est né à Buenos Aires voici cinq ans, à l'initiative d'Eugenia Rubio, jeune flûtiste de l'orchestre argentin Juan de Dios Filiberto qui avait demandé à écouter ses camarades jouer à l'hôpital où elle recevait des soins palliatifs au cours des derniers mois de sa vie. Sur son lit de mort, elle avait leur demandé de poursuivre l'expérience avec d'autres, persuadée des vertus de la musique sur les malades.

"Eugenia était ma compagne, nous nous sommes rendu compte que la musique était un moyen magique pour sortir d'un moment de douleur, de marginalité, de handicap", raconte Jorge Bergero, fondateur de l'association et violoncelliste de l'orchestre du Théâtre Colon, un des ensembles les plus prestigieux du continent américain.

A la mort d'Eugenia, dit-il, "nous avons décidé de continuer et de 10, nous sommes passés à plus 2.000" dans 10 pays: en Amérique du sud, jusqu'en Israël, en Italie et en France.

"Les musiciens viennent (jouer à l'hôpital de leur ville) car ils aiment le faire, ils ne sont pas rémunérés, personne ne regarde sa montre", plaisante-t-il.

"Je viens chanter par pur égoïsme car, à moi aussi, cela me fait du bien, c'est la meilleure des thérapies", affirme Soledad de la Rosa, une soprano du Choeur polyphonique national.

Les concerts dans les hôpitaux sont donnés le lundi, jour de repos habituel des orchestres. Les partitions sont livrées par courrier électronique, les musiciens font connaissance quelques minutes avant la représentation et la répétition se fait brièvement in situ.

- Concerts, tango et clowns -

Ce n'est pas la première fois que l'art s'immisce dans l'hôpital à Buenos Aires, pour alléger les souffrances des patients: du tango s'est ainsi invité, tandis qu'en Argentine comme dans d'autres pays, des clowns viennent remonter le moral des enfants malades.

Une fois le concert à l'hôpital Alvarez achevé, deux chanteurs et huit musiciens promènent leurs violons et contrebasses dans les couloirs, pour se rendre au chevet des patients incapables de se déplacer.

"Encore une, s'il-vous-plaît", supplie Daniel, 68 ans, invalide depuis deux ans. "C'est un plaisir pour l'âme, la musique classique", assure-t-il, "cela fait plus de bien que n'importe quel médicament".

Sara aime les "chansonnettes" et fredonne depuis son lit, avec le ténor qui lui tient la main.

Un jeune homme étreint sa grand-mère, prostrée, il la berce comme s'il la faisait danser, sur du Verdi.

"C'est émouvant de voir la répercussion sur les patients. Pendant un instant, leur attention se détache de leur maladie, pour savourer la musique qui remplit leur coeur de joie", remarque Laura Cordero, la directrice de l'hôpital.

La dernière note de musique s'évanouit. "Et c'est +retour à l'hôpital+", soupire une infirmière, après un moment d'évasion.

Avec AP

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