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La LRA de Kony continue d'inquiéter


Des rebelles ougandais de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) à la frontière entre la RDC et le Soudan, 31 juillet 2006.
Des rebelles ougandais de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) à la frontière entre la RDC et le Soudan, 31 juillet 2006.

A Obo, la présence de la LRA est sur toutes les lèvres et les témoignages d'enlèvements se multiplient. Ceux-ci sont la spécialité du groupe qui utilise des adultes pour transporter des biens pillés et force des enfants à devenir des combattants.

Comme chaque matin, Joseph, un paysan centrafricain, enfourche sa moto pour rejoindre son champ de manioc niché dans la brousse luxuriante encerclant la ville d'Obo, à l’extrême sud-est de la Centrafrique.

Sa journée commence pleine de menaces: les derniers membres de ce qui reste de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA), le redouté groupe armé ougandais de Joseph Kony, rôdent toujours dans la zone, selon des témoignages recueillis par l'AFP.

>> Lire aussi : A l'ONU, la Centrafrique en crise craint de retomber dans l'oubli

Créée vers 1986 avec l'objectif de renverser le président ougandais Yoweri Museveni, la LRA est considérée comme une des rébellions les plus sanglantes au monde. Selon l'ONU, elle a fait plus de 100.000 morts et enlevé plus de 60.000 enfants en Ouganda, au Soudan du Sud, dans le nord-est de la République démocratique du Congo et en Centrafrique. En 2005, Kony a été inculpé par la Cour pénale internationale.

Au bout d'un semblant de piste qui serpente entre les herbes hautes jaunies par le soleil incandescent, la végétation s'ouvre sur un petit campement, bordé par un champ de manioc, le gagne-pain de Joseph.

"Nous sommes dans l’inquiétude par rapport aux attaques de la LRA. Récemment, ils ont attaqué des chasseurs à 15km d'ici", lâche-t-il avant de se mettre au travail, résigné.​

"La LRA nous a braqués"

"Le 9 février, j’étais avec 9 chasseurs, à 100km à l'ouest d'Obo. La LRA nous a braqués, ils ont pris la farine de manioc, le poisson fumé, la viande et les cartouches", raconte Brice, un déplacé de la ville de Mboki (sud-est) vivant à Obo. C'est la troisième fois qu'il se fait dépouiller par la LRA.

François Apoyo, autre déplacé de Mboki, a lui été braqué le 24 novembre, à 35 km d'Obo: "ils nous ont retenus pendant une semaine, on portait leurs affaires", raconte-il.

Tout deux décrivent des petits groupes de combattants mobiles parlant acholi (langue d'une minorité ethnique ougandaise), portant des tenues militaires, des bottes, armés de fusils mitrailleurs, équipés de panneaux solaires et de téléphones satellitaires.

Femmes et enfants enlevés

Dans chaque témoignage,il est question de femmes et d'enfants kidnappés au gré des escarmouches.

Béatrice (prénom modifié) en a fait l'expérience: "J'étais en train de marcher près de Mboki, quand un homme a tiré en l'air et m'a demandé de ramasser mes poulets et de le suivre. Nous avons beaucoup marché. Un jour j'ai essayé de fuir, et il m'a tabassé avec un bâton", raconte-elle.

"Il a été chassé de la LRA car il avait fait des bêtises. Il voulait faire de moi sa femme" dit-elle pudiquement, pour ne pas évoquer ses viols. Elle s'est échappée le 7 novembre 2017, après 21 jours de captivité.

Plusieurs victimes de la LRA évoquent également des alliances avec les éleveurs de bétails transhumants, qui circulent entre le Soudan et la Centrafrique, souvent armés pour défendre leurs troupeaux.

>> Lire aussi : Dix personnes enlevées par la LRA dans le nord-est de la RDC

"Il peut y avoir des connections à but lucratif entre eux", reconnaît Laurent Wastelain, précisant que la LRA se déplace souvent par les couloirs de transhumance en forêt.

Difficile de savoir si cette alliance va plus loin, faute de source crédible. Difficile également d'attribuer clairement toutes les attaques en brousse à la LRA, devenue le faux-nez de tous les bandits de la région.

Le pasteur François peut en attester: le 14 février, il s'est fait braquer avec 13 autres personnes par 5 éleveurs de bétail. "Ils voulaient nous égorger et dire que c'était la LRA", raconte-il. "Mais on s'est échappés".

Economie de subsistance

Traquée depuis 2011 par 2.000 soldats ougandais appuyés par une centaine de conseillers militaires américains basés à Obo, la guérilla, qui voulait instaurer en Ouganda un régime basé sur les Dix commandements, n'est plus que l'ombre d'elle même.

Désormais divisée en trois groupes, elle ne compterait plus que 200 membres, femmes et enfants compris, contre des milliers avant 2011, selon Laurent Wastelain, représentant de la Mission de l'ONU en Centrafrique (Minusca) à Obo.

"Ils sont passés, dit-il, d'une économie de profit à une économie de subsistance, faite de pillage et de trafic".

Les Ougandais et les Américains repartis en 2017, le champ semble de nouveau libre pour la guérilla dans la zone.

En Centrafrique, la lutte contre la LRA ne rentre pas dans le mandat onusien et l'absence d'Etat est criante dans les régions voisines du nord de la RDC et de l'ouest du Soudan du Sud.

Depuis le 19 avril 2017, date du début du retrait progressif des troupes ougandaises, la LRA a ainsi frappé 34 fois en Centrafrique, tuant 9 civils et en enlevant 129, selon CrisisTracker, un site géré par une ONG qui en recense les attaques.

Avec AFP

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