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MSF s'inquiète du regain du VIH en Guinée, RDC et Centrafrique


Patrick Luyeye et Selly Bentone (à droite) examinent Nadine, 28 ans, au Centre Hospitalier de Kabinda en RDC. Mario Travaini/MSF
Patrick Luyeye et Selly Bentone (à droite) examinent Nadine, 28 ans, au Centre Hospitalier de Kabinda en RDC. Mario Travaini/MSF

Médecins sans frontière dénonce les "millions de personnes en Afrique occidentale et centrale" qui restent "en marge de la lutte mondiale contre le VIH".

"Ce que nous voyons aujourd’hui dans nos projets d’Afrique occidentale et centrale me rappelle parfois l’Afrique du Sud en 1999, quand les antirétroviraux n’étaient pas encore largement disponibles et que les patients que nous voyions étaient au seuil de la mort", analyse le docteur Eric Goemaere, référent VIH et tuberculose pour MSF.

Il poursuit : "Une décennie et demie plus tard, un trop grand nombre de patients en République démocratique du Congo, en Guinée ou en République centrafricaine nous arrivent en stades avancés de SIDA, ce qui est devenu relativement rare en Afrique du Sud depuis le milieu des années 2000. En Afrique occidentale et centrale, le SIDA est loin d’avoir disparu. Il ne disparaîtra pas tant que des mesures radicales ne seront pas prises pour accroître l’accès au traitement antirétroviral, et ceci avant que les individus ne tombent très malades".

Les défaillances d'un système : le portrait d'Elise, décédée du virus du sida à 12 ans

Elise, 12 ans, a été infectée par le virus du sida dans le ventre de sa mère.
Elise, 12 ans, a été infectée par le virus du sida dans le ventre de sa mère.

​Comme sa mère Agathe n’avait jamais été dépistée pour le VIH et n’était donc n’a pas inscrite au programme de PTME, Elise est née séropositive. La mère et l’enfant ont découvert leur statut six ans plus tard, après la mort du père d’Elise de maladies liées au SIDA.

En raison du manque d’information et de conseils qualifiés, Agathe a administré le traitement ARV à sa fille de manière erratique. Elise a développé une résistance et a dû passer aux ARV de deuxième intention. Ils furent d’autant plus difficiles à tolérer que, du fait de la non-disponibilité des médicaments pédiatriques, elle a dû prendre les médicaments pour adultes.

À la fin 2014, Elise a été admise à l’hôpital Kabinda de MSF à Kinshasa en RDC. Son régime de traitement inadéquat avait eu un effet dévastateur sur la fillette de 12 ans. Pesant à peine 30 kilos, elle était si faible qu’elle fut alitée dans un berceau et ne pouvait ni se nourrir ni se laver seule.

La lutte d’Elise contre le VIH est devenue chaque jour plus difficile et douloureuse. Quelques jours après que ces photos ont été prises, et malgré les soins bienveillants de sa mère et de l’équipe médicale de MSF, Elise est décédée. Sa mère Agathe voulait que MSF publie ces photos. "Cela ne peut pas aider Elise, mais cela pourra peut-être aider d’autres personnes", a-t-elle dit.

Objectif : contrôler l'épidémie d'ici 2030

Les cibles 90-90-90 de l’ONUSIDA, largement adoptées au niveau mondial, visent à ce que 90% des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique, à ce que 90% de celles-ci soient mises sous traitement antirétroviral, et à ce que 90% d’entre elles soient sous traitement de qualité optimale, c’est-à-dire ayant atteint une suppression virale.

Selon l’agence des Nations Unies, l’atteinte de ces objectifs d’ici 2020 permettrait de mettre l’épidémie du VIH sous contrôle et de virtuellement éliminer les occurrences de SIDA d’ici 2030. En revanche, à défaut d’atteindre ces objectifs avant la date limite, on verra l’épidémie rebondir, ce qui représenterait une menace encore plus grave.

Le financement international pour lutter contre le VIH/SIDA et offrir le traitement antirétroviral (TAR) a été concentré sur les pays d’Afrique sub-saharienne à haute prévalence ainsi que sur les «hotspots» ou «points névralgiques» du VIH, à savoir les régions et populations au sein desquelles la transmission du VIH est particulièrement élevée.

Pendant ce temps, les pays qui contribuent moins aux indicateurs globaux risquent de disparaître de la liste des priorités internationales, et ceci même s’ils traînent déjà loin derrière en termes de couverture de TAR. Leur dépriorisation peut être due soit à une taille relativement petite de leur population vivant avec le VIH ou du fait que ces personnes sont dispersées au sein de ces pays, et non pas concentrées dans des «points névralgiques». C’est le cas pour la plupart des pays appartenant à la région de l’Afrique occidentale et centrale telle que désignée par l’ONU.

L'appel de Médecins sans frontière lancé aux agences internationales

" Aujourd’hui nous avons une opportunité unique de combler le manque de traitements en Afrique occidentale et centrale, et nous ne devons pas la laisser passer. Les pays où la couverture antirétrovirale est faible doivent tirer profit des ambitions renouvelées à l’échelle mondiale pour accélérer la mise en place d’une stratégie efficace de lutte contre le VIH", a déclaré le docteur Mit Philips, conseillère en politiques de santé à MSF.

"Mais il serait insensé de croire que les pays peuvent, à eux seuls, rompre avec ce statu quo meurtrier. Si la communauté internationale tient vraiment à vaincre le Sida, elle doit élargir la portée du programme "fast track" (programme accéléré) et d’urgence approvisionner en antirétroviraux les victimes du VIH/Sida les plus négligées", a-t-elle ajouté.

MSF demande donc aux agences des Nations unies, aux bailleurs de fonds européens, au Fonds mondial, au Plan américain d'aide d'urgence du président pour le VIH/Sida (PEPFAR) et à la société civile de développer et mettre en place un plan accéléré afin d’augmenter le nombre de personnes qui suivent un traitement antirétroviral (ARV) dans les pays où plus de deux tiers de la population vivant avec le VIH n’y a toujours pas accès, comme la plupart de ceux d’Afrique occidentale et centrale.

Selon le rapport de MSF, en Afrique occidentale et centrale les besoins sont largement sous-estimés, et les efforts restent insuffisants pour répondre à la crise de santé que représente le VIH dans la région.

L’accès aux antirétroviraux y est particulièrement difficile : la stigmatisation, les ruptures de stock de médicaments et de tests, les coûts élevés et des services lents, difficiles d’accès et de mauvaise qualité représentent autant d’obstacles que les personnes vivant avec le VIH doivent franchir.

De plus, les crises récurrentes, comme les conflits ou les épidémies, réduisent encore davantage l’accès aux traitements contre le VIH. Le rapport recommande des changements majeurs de stratégies et de modèles de soins, en se basant à la fois sur les programmes ayant fait leurs preuves ailleurs dans le monde et sur de nouvelles approches, adaptées aux contextes où la couverture antirétrovirale est faible.

En chiffres

L'Afrique occidentale et centrale concentrent :

  • 21% des nouvelles infections VIH.
  • 27% des décès dus au VIH/Sida.
  • 45% des enfants nés avec le VIH.
  • 3 personnes sur 4 n'ont pas accès aux antirétroviraux.
  • 9 enfants sur 10 n'ont pas accès aux antirétroviraux.

Toutes les informations sont tirées du rapport de MSF « Le Prix de l’oubli – Des millions de personnes en Afrique occidentale et centrale restent en marge de la lutte mondiale contre le VIH », qui se penche sur la situation qui prévaut dans la région et décrit en détail les causes du manque de traitements dans trois études de cas : République centrafricaine, République démocratique du Congo et Guinée.

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