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Madrid déterminé à lancer la procédure de suspension d'autonomie contre la Catalogne


Le président séparatiste catalan Carles Puigdemont donne un discours à Barcelone, Espagne, le 15 octobre 2017.
Le président séparatiste catalan Carles Puigdemont donne un discours à Barcelone, Espagne, le 15 octobre 2017.

Le gouvernement espagnol a annoncé jeudi qu'il allait de l'avant pour suspendre l'autonomie de la Catalogne, après la menace du président séparatiste catalan, Carles Puigdemont, de déclarer l'indépendance si la "répression" continuait.

"Samedi prochain, le Conseil des ministres, réuni de manière extraordinaire, approuvera les mesures qu'il transmettra au Sénat afin de (...) restaurer l'ordre constitutionnel dans la région", annonce le gouvernement dans un communiqué.

Le gouvernement menaçait depuis 8 jours d'activer l'article 155 de la Constitution, qui lui permet de suspendre tout ou partie de l'autonomie d'une région si celle-ci viole ses obligations légales.

Il exigeait pour y renoncer que Carles Puigdemont restaure la légalité, après avoir précisé si oui ou non il avait déclaré l'indépendance de la région.

Peu avant l'expiration du délai, Carles Puigdemont a répondu jeudi: "Si le gouvernement de l'Etat persiste à empêcher le dialogue et poursuivre la répression, le Parlement de Catalogne pourra procéder, s'il l'estime opportun, au vote d'une déclaration formelle d'indépendance qu'il n'a pas votée le 10 octobre".

Pour Madrid, bien qu'il y explique n'avoir pas déclaré l'indépendance, cette réponse est trop ambiguë et elle constitue un "refus de répondre à la mise en demeure".

En conséquence, "le gouvernement continuera les démarches prévues par l'article 155 de la Constitution pour restaurer la légalité" en Catalogne.

Carles Puigdemont demandait de son côté que le gouvernement central mette fin à la "répression" et accepte un "dialogue".

Il considère dans sa réponse à Madrid que le choix d'activer l'article 155, jamais appliqué en 40 ans de démocratie, "indique qu'(à Madrid) on n'est pas conscient du problème et qu'on ne veut pas parler".

Le gouvernement de Mariano Rajoy considère quant à lui "l'attitude des responsables de la Generalitat (gouvernement catalan) de chercher, délibérément et systématiquement, l'affrontement institutionnel".

Le Premier ministre Mariano Rajoy à Madrid.
Le Premier ministre Mariano Rajoy à Madrid.

Madrid et Barcelone vers le choc frontal

M. Puigdemont devait dire clairement avant 10 heures (8 heures GMT) s'il renonçait à déclarer l'indépendance de sa région, où vivent 16% des Espagnols, en proie à un conflit sans précédent avec le gouvernement central depuis que l'Espagne est redevenue démocratique, en 1977.

Mais il n'a pas répondu exactement à la question posée par le gouvernement, qui lui demandait s'il avait, oui ou non, déclaré l'indépendance de la région. Il n'a pas non plus accepté de "rétablir l'ordre constitutionnel", comme Madrid l'exigeait.

"Si le gouvernement persiste à empêcher le dialogue et poursuivre la répression, le Parlement de Catalogne pourra procéder (...) au vote d'une déclaration formelle d'indépendance", a écrit jeudi Carles Puigdemont dans une lettre adressée au chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy.

La précision sur l'absence de déclaration d'indépendance aurait pu ouvrir la voie à l'apaisement.

Mais le gouvernement espagnol y a vu une menace et promis de "prendre toutes les mesures (..) pour restaurer au plus vite la légalité et l'ordre constitutionnel" en Catalogne.

Les mesures de suspension de l'autonomie seront définies samedi lors d'un conseil des ministres extraordinaire qui devra les transmettre au Sénat, en vue de leur validation fin octobre.

Mariano Rajoy devait en effet se rendre dans l'après-midi à Bruxelles pour un Conseil européen, programmé à 15h30 (13h30 GMT) alors que le sujet inquiète aussi l'Europe.

Le chef de l'exécutif de l'Union européenne, Jean-Claude Juncker, prononce son discours sur l'état de l'Union au Parlement européen à Strasbourg, dans l'est de la France, 14 septembre 2016.
Le chef de l'exécutif de l'Union européenne, Jean-Claude Juncker, prononce son discours sur l'état de l'Union au Parlement européen à Strasbourg, dans l'est de la France, 14 septembre 2016.

Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et le chef de l'opposition espagnole, le socialiste Pedro Sanchez l'ont d'ailleurs abordé alors même que le gouvernement annonçait la très probable application de l'article 155 de la Constitution qui lui permet de suspendre tout ou partie de l'autonomie d'une région si celle-ci viole ses obligations légales.

"Le soutien des institutions européennes est plus fort que jamais", a assuré à la presse le socialiste, qui fait front commun avec M. Rajoy sur le sujet.

Le président français Emmanuel Macron a d'ailleurs affirmé que l'UE enverrait un "message d'unité" autour de l'Espagne dans la crise catalane et la chancelière allemande Angela Merkel a dit espérer que des solutions puissent être trouvées "sur la base de la Constitution".

Confiance brisée

Renouer le dialogue entre Barcelone et Madrid que réclament les institutions européennes ainsi que de nombreux Catalans de tous bords, jusqu'au puissant FC Barcelone, semblait donc difficile jeudi, et dans la capitale catalane les Barcelonais manifestaient leur fatigue.

"Je suis saturé, là (...) Chaque jour, il y a 'une échéance très importante, une date très importante'", râlait Albert Puig. "J'ai beau m'informer, je ne vois pas d'avancée", ajoutait l'informaticien de 35 ans en fumant une cigarette sous le porche de son entreprise.

Lui qui se dit "plutôt en faveur des indépendantistes" ne sait plus "très clairement quoi penser... Vous m'auriez demandé il y a un mois, j'aurais répondu que j'étais enthousiaste".

Dans sa lettre, Carles Puigdemont regrette que Madrid ne prenne pas "la mesure du problème" et "refuse de parler", un sentiment que beaucoup de Catalans partagent.

Mais le gouvernement espagnol, accusé d'être trop clément par l'aile dure des conservateurs, l'accuse de "chercher, délibérément et systématiquement, l'affrontement institutionnel".

"Avec une menace d'indépendance sur la table, le dialogue est très difficile, pour ne pas dire impossible", a estimé le chef des socialistes catalans, Miquel Iceta.

M. Puigdemont est tiraillé.

La CUP, petit parti d'extrême gauche allié-clé de Carles Puigdemont, qui souhaite la naissance immédiate d'une république catalane indépendante, a ainsi appelé à de nouvelles manifestations, dès jeudi soir.

Sortie par le haut?

Les milieux économiques aussi font pression sur le président catalan pour qu'il arrête tout.

Plus de 800 entreprises, y compris les deux plus grandes banques catalanes, ont transféré leur siège social hors de la région depuis le référendum et le tourisme chute.

Les dirigeants catalans estiment que le référendum d'autodétermination interdit organisé le 1er octobre confère au parlement régional un "mandat populaire" pour déclarer l'indépendance.

Selon leurs chiffres, invérifiables, le "oui" l'a emporté à 90% avec 43% de participation.

La société catalane est profondément divisée, presque à parts égales, sur la question.

Une solution pour sortir par le haut de ce blocage évoquée mercredi par des sources gouvernementales à Madrid aurait été la convocation d'élections régionales anticipées.

Mais Joan Tarda, porte-parole de la gauche indépendantiste (ERC) au Congrès des députés de Madrid, l'a écarté jeudi: "le gouvernement catalan ne convoquera pas d'élections", a-t-il dit.

Avec AFP

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