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Luanda cache ses enfants des rues pour les 40 ans de l'indépendance de l'Angola


Des enfants angolais, Février 2015. Source: VOA
Des enfants angolais, Février 2015. Source: VOA

A l'approche des festivités, les autorités ont tenté de dissimuler la misère dans Luanda : les enfants des rues ont été ramassés dans des bus, puis entassés dans des orphelinats surchargés et sans le sou.

"Le gouvernement a décidé de nettoyer la ville depuis fin octobre pour donner une bonne image" de Luanda, explique à l'AFP João Facatino, le directeur de l'un des orphelinats privés de Luanda, le centre d'hébergement d'enfants Arnaldo Janssen (Cacaj).

Pour le 40e anniversaire de l'indépendance de cette ancienne colonie portugaise devenue un géant pétrolier, l'Angola a vu les choses en grand.

Mardi soir, un méga concert du chanteur américain Stevie Wonder et du groupe des Jackson 5 devait avoir lieu au centre ville. Et mercredi, quelque 7.000 invités, dont 100 représentants de pays étrangers, assisteront au défilé militaire organisé sur la Marginale, l'imposant boulevard qui longe la baie de Luanda, l'une des rares artères propres de la capitale.

Il est midi. Un bus arrive au Centre Arnaldo Janssen, escorté d'un policier. A l'intérieur, huit enfants silencieux et épuisés attendent. Une petite a les yeux mouillés de larmes.

João Facatino, missionnaire aux cheveux rasés et à la barbiche légèrement grisonnante, se dit frustré: le gouvernement ne participe pas au fonctionnement des orphelinats, tous privés à l'exception d'un seul, et la méthode - ramasser de force des enfants - est inadaptée, selon lui.

"La grande majorité des enfants s'enfuit dès la première nuit", constate-t-il. "Il faut une bonne préparation psychologique avant d'accueillir un enfant qui a l'habitude de n'obéir à aucune règle", explique-t-il.

Plusieurs milliers d'enfants vivent dans la rue à Luanda, capitale tentaculaire de 8 millions d'habitants, selon des estimations d'une ONG.

La plupart de ces enfants ont encore une famille: ils ont été abandonnés pour des raisons économiques ou ont été chassés car soupçonnés de sorcellerie. "Quand il y a un membre de la famille qui meurt ou qui est malade par exemple, il faut trouver un coupable, explique João Facatino. C'est souvent l'enfant qui a l'air le plus malin qui est accusé."

"D'autres enfants se sont aussi juste perdus et il arrive que la famille qui voit un avis de recherche à la télé vienne les récupérer deux ou trois ans après leur disparition." D'autres gamins, maltraités, se sont également enfuis de chez eux.

Employés d'orphelinat non payés

L'orphelinat de Joao Facatino offre des perspectives d'avenir. Les enfants reçoivent une formation professionnelle. "Certains sont devenus avocats ou ingénieurs dans des compagnies pétrolières", affirme fièrement le directeur. "Ils viennent toujours nous voir. Cet orphelinat, c'est leur maison."

Le centre, créé en 1993, occupe un terrain donné par l'évêché et le groupe pétrolier britannique BP. Il accueille quelque 110 enfants entre 7 et 18 ans, dont une trentaine arrivés depuis l'opération lancée par les autorités en octobre.

Pour passer du réfectoire aux bancs de classe et aux dortoirs, les enfants marchent dehors où la boue colle aux pieds. Pour boire, ils plongent un gobelet dans le baril rouillé où on récupère l'eau de pluie.

"Nous manquons d'argent. Déjà le mois dernier, nous n'avons pas pu payer les employés et nous ne pourrons pas les payer ce mois-ci", concède João Facatino. Du coup, plusieurs employés sont partis.

Une télévision est allumée dans le réfectoire. Elle est l'unique distraction, à l'exception de rares ateliers bricolage. "Des enfants vont à l'école le matin, d'autres l'après-midi et les plus grands la nuit, car il n'y a pas assez de place pour tout le monde ", explique le directeur.

Lors d'une réunion organisée par les autorités en octobre pour annoncer l'opération de ramassage des enfants des rues, les responsables d'orphelinats ont jugé que "la méthode employée n'était pas idéale", selon João Facatino. Une figure de style témoignant de la peur qui règne dans un pays contrôlé d'une main de fer par le président Jose Eduardo dos Santos depuis 1979.

Pour João Facatino, "le gouvernement connaît notre situation, mais pour changer les choses, il faudrait investir. Et malgré les promesses, je ne crois pas que ce soit au programme. Enfin, hier on nous a tout de même amené quelques matelas et des draps."

Avec AFP

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