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Les troupes ougandaises abandonnent la traque de Joseph Kony


Le chef de la rébellion de la LRA, Joseph Kony, 12 novembre 2006.
Le chef de la rébellion de la LRA, Joseph Kony, 12 novembre 2006.

Dans une région isolée de l'est de la Centrafrique, la sueur coule le long des foulards rouge vif des soldats centrafricains paradant pendant une cérémonie marquant la fin de la traque par les troupes ougandaises du chef de la rébellion de la LRA, Joseph Kony.

Petite ville entourée de forêts impénétrables, aux confins du sud-est de la Centrafrique, Obo était jusqu'à cette semaine le centre névralgique de la traque menée par les forces ougandaises de Joseph Kony, l'insaisissable chef de la rébellion ougandaise de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA), une des plus cruelles rébellions au monde.

Jeudi, une cérémonie et un défilé militaire ont marqué à Obo la fin d'années de traque infructueuse par l'Ouganda.

Créé vers 1988 avec l'objectif de renverser le président ougandais Yoweri Museveni pour le remplacer par un régime fondé sur les Dix commandements, la LRA s'est forgée une effroyable réputation à force d'enlèvements d'enfants et de mutilations de civils à grande échelle.

Selon l'ONU, elle a tué plus de 100.000 personnes et enlevé plus de 60.000 enfants en Ouganda, au Soudan du Sud, dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC) et en Centrafrique. Forcée à quitter le territoire ougandais en 2006, la rébellion ne compte aujourd'hui plus qu'une centaine de membres actifs contre plusieurs milliers il y a une dizaine d'années, selon le commandement américain en Afrique (Africom).

Depuis 2005, Kony, chef suprême de la LRA, est inculpé par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Mais alors qu'il court toujours, l'Ouganda a entamé le 19 avril le retrait de ses troupes de l'est de la République centrafricaine (RCA).

Une centaine de militaires des forces spéciales américaines également présents pour traquer Kony depuis 2011 dans cette région - suivis depuis 2014 de 150 hommes de l'armée de l'air - ont également débuté leur retrait fin avril.

La traque a coûté 780 millions de dollars depuis 2011, selon Africom.

- 'Plus une menace' -

Jeudi, lors de la cérémonie à Obo, les autorités ougandaises ont pourtant affiché leur satisfaction.

Le porte-parole de l'armée ougandaise, le général Richard Karemire, a affirmé que retrouver Kony "n'avait jamais été (notre) mission". "Notre mission était très précise: neutraliser la LRA. Et la LRA n'est plus une menace pour l'Ouganda", a-t-il lancé.

Le défi de rechercher Kony va désormais être dévolu à une armée centrafricaine sous-équipée et qui n'est pas opérationnelle.

La Centrafrique a en effet basculé dans la violence en 2013 avec le renversement de l'ex-président François Bozizé par les rebelles Séléka pro-musulmans, entraînant la contre-offensive de groupes anti-Balaka majoritairement chrétiens. L'intervention de la France (jusqu'en octobre 2016) et de la Mission des Nations unies en Centrafrique (Minusca) a permis le retour au calme dans la capitale Bangui mais pas dans l'intérieur du pays. Et les violences n'ont jamais cessé dans le centre-est.

Jeudi, le lieutenant Hubert Zinja, porte-parole des forces centrafricaines à Obo, a tenté de démontrer sa détermination. "Nous sommes prêts, avec ce qu'on a. Nous avons la capacité de lutter contre les rebelles", a-t-il dit à l'AFP.

Mais les populations de l'est de la Centrafrique et de nombreux analystes craignent que le retrait des troupes américaines et ougandaises laisse un vide sécuritaire, profitable à un retour de la LRA et à la propagation d'autres bandes armées.

- 'A la merci d'attaques' -

A Obo, les inquiétudes sont palpables. Les membres encore actifs de cette rébellion ultra-violente pourraient avoir trouvé refuge dans les denses forêts entourant la petite ville.

"Les gens d'Obo pensent que les troupes ougandaises les laissent à la merci d'éventuelles attaques. Leur présence ici pour nous, ça voulait dire la sécurité", confie ainsi à l'AFP Simeon Mbolinjbajbe, directeur d'une école. "Nous sommes inquiets de ce qui se passera après leur départ", lâche-t-il.

Profitant de l'ombre d'un arbre dans la principale rue d'Obo, bordée de huttes et de chemins de latérite, un soldat ougandais portant négligemment un lance-roquettes contemple les étals d'un marché.

A proximité, Steve Kaimba, un porte-parole du gouvernement local, confie ses craintes. "On dit souvent que les effectifs de la LRA ont été réduits de façon importante, mais si ses combattants sont toujours dans les parages, alors ça veut dire que rien n'a été réglé", lance-t-il avec amertume.

Avec AFP

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