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Les candidats au poste de gouverneur se bousculent sur la terre de Boko Haram au Nigeria


Des électeurs sont en ligne lors des primaires du parti au pouvoir, le Congrès des progressistes (APC), à Borno, Nigeria, 28 septembre 2018. (Twitter/Ellwana Mustapha)
Des électeurs sont en ligne lors des primaires du parti au pouvoir, le Congrès des progressistes (APC), à Borno, Nigeria, 28 septembre 2018. (Twitter/Ellwana Mustapha)

A l'approche des élections générales, l'Etat du Borno, dans le nord-est du Nigeria dévasté par le groupe jihadiste Boko Haram et sous perfusion des milliards de dollars d'aide humanitaire, fait l'objet d'une compétition féroce entre les futurs candidats au poste de gouverneur.

Au moins 21 politiciens ont déjà annoncé leur ambition de participer aux primaires du parti au pouvoir, le Congrès des progressistes (APC), qui a toutes les chances de l'emporter dans le Borno, région à dominante haoussa et musulmane.

Le vainqueur des primaires participera à l'élection du gouverneur prévue en mars prochain et devrait succéder à Kashim Shettima, qui achèvera son deuxième mandat de quatre ans.

Dans ce bastion de l'APC, le chef de l'Etat Muhammadu Buhari avait raflé 94% des voix en 2015, une performance qui avait largement contribué à sa victoire sur le plan national.

Les primaires de l'APC se tiendront dans les 36 Etats du Nigeria dimanche mais le nombre d'aspirants dans le Borno est particulièrement élevé.

Plus de 27.000 personnes ont été tuées depuis 2009 dans le nord-est du pays, où des centaines de milliers de foyers, d'hôpitaux, d'écoles et de routes ont été détruits dans l'un des conflits les violents de la planète.

Les attentats-suicide et les attaques perpétrées contre les civils comme les militaires y demeurent une menace constante, malgré les affirmations officielles répétant que les jihadistes ont été défaits.

Les organisations humanitaires sont en première ligne pour apporter de l'aide aux victimes du conflit, dont quelque 1,8 million de déplacés internes, en terme de nourriture, d'abris et de soins médicaux d'urgence.

- Corruption -

Depuis 2016, l'Etat fédéral et celui du Borno ont à eux seuls injecté plus de 10 milliards de dollars (8,6 milliards d'euros) pour renforcer la sécurité et reconstruire le nord-est.

S'ajoute à cela l'aide humanitaire internationale destinée à lutter contre l'insécurité alimentaire, les cas de malnutrition sévère, et les risques d'épidémies dans les camps de déplacés.

En septembre, une conférence de bailleurs s'est tenue à Berlin, pour réunir 2,5 milliards de dollars afin d'aider le Nigeria et ses voisins (Cameroun, Tchad, Niger) à combattre Boko Haram et gérer l'après-conflit.

Conséquence de cette forte présence humanitaire, le flot d'argent destiné au nord-est a inévitablement éveillé les appétits et amené son lot de corruption jusqu'au sommet de l'Etat. De l'aveu même de la présidence l'an dernier, près de la moitié de la nourriture envoyée aux victimes de Boko Haram ne leur parvient jamais.

Karim Shettima, élu en 2011 et qui a déjà effectué un maximum de deux mandats, briguera cette fois un siège de sénateur pour la région. Mais des dissensions sont apparues récemment entre lui et les leaders de l'APC quant au candidat qui devrait lui succéder.

Le mois dernier, il s'est plaint devant ses partisans que "des politiciens d'Abuja", la capitale fédérale, étaient en train d'essayer d'imposer leur propre candidat.

Le gouverneur a affirmé qu'il n'avait pas de dauphin attitré et "pas le pouvoir d'élire ou d'imposer un gouverneur", assurant que seul Dieu déciderait.

Choix divin ou pas, Shettima est toutefois lié à nombre d'aspirants au poste: huit des 21 candidats sont actuellement membres de son cabinet.

- "Contrôle des ressources" -

Pour Khalifa Dikwa, professeur à l'Université de Maiduguri, c'est "une stratégie politique de la part de Shettima pour dominer la compétition face au bloc d'Abuja et s'assurer que son candidat préféré gagne".

Au Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique avec plus de 180 millions d'habitants, les gouverneurs contrôlent d'énormes ressources financières ainsi que les structures locales du parti et leurs responsables.

"Si Shettima a inondé la course avec ses candidats, c'est pour obtenir un maximum de délégués", estime l'analyste politique Modu Mustapha. "C'est une stratégie qui est régulièrement utilisée pour les primaires indirectes".

M. Mustapha n'exclue pas des désistements de masse de la part des candidats de Shettima pour laisser la place à son favori et demander aux délégués de voter pour lui.

"Comme le gouverneur contrôle le parti dans le Borno, les délégués vont voter pour qui il leur demandera", a ajouté le spécialiste.

Selon des médias locaux, Shettima a jeté son dévolu sur son ministre de la Reconstruction, du Relogement et de la Réhabilitation, Babagana Umara, pour lui succéder.

Umara a notamment initié une politique controversée de retours des déplacés, entassés par centaines de milliers dans des camps à Maiduguri, alors que les conditions sécuritaires et alimentaires dans leurs villages d'origine étaient loin d'être réunies.

La lutte pour le pouvoir est avant tout une lutte pour le contrôle des ressources, selon Khalifa Dikwa, et non un désir "d'améliorer significativement" la vie des populations victimes de la guerre.

Avec AFP

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