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Les acteurs informels ougandais endettés à cause des mesures anti-Ebola


Une camionnette de sensibilisation à Ebola roule le long de Kyadondo Road, à Kampala, en Ouganda, le 27 octobre 2022.
Une camionnette de sensibilisation à Ebola roule le long de Kyadondo Road, à Kampala, en Ouganda, le 27 octobre 2022.

En Ouganda, de nombreux travailleurs informels affirment qu'ils se retrouvent endettés depuis que le gouvernement a pris des mesures visant à freiner la propagation du virus Ebola, qui a infecté 142 personnes et en a tué au moins 55 depuis que le pays a déclaré l'épidémie en septembre.

Les autorités ont imposé le 15 octobre un couvre-feu nocturne, fermé les lieux de culte et de divertissement et restreint les déplacements vers et depuis deux districts - Kassanda et Mubende.

Charles Ssebale, chauffeur de moto-taxi, craint que son véhicule ne soit repris possession à tout moment, n'ayant pas réussi à rembourser ses prêts après que son pays a imposé un confinement de deux mois pour contenir une mortelle épidémie d'Ebola.

Le père de sept enfants, âgé de 41 ans, a vu ses revenus quotidiens habituels – environ 40 000 shillings ougandais (11 $) – chuter d'environ 75 % pendant le confinement, qui s'est terminé le 17 décembre. Ssebale soutient que son créancier - un entrepreneur de sa communauté qui vend des motos - l'appelait sans cesse pour réclamer les arriérés. La dette vaut environ 870 $, a-t-il dit.

"Je vais recommencer à travailler dur et à payer (le prêt). Les personnes qui m'ont donné la moto m'ont assuré qu'elles ne la reprendraient pas, bien qu'elles continuent de me rappeler de payer pendant les périodes de confinement", a-t-il déclaré à Context par téléphone depuis le district de Kassanda, situé à 117 km au sud-est de la capitale, Kampala.

À l’instar de Charles Ssebale, de nombreux travailleurs informels se sont retrouvés ainsi endettés.

Selon les travailleurs informels interrogés par Contex, les restrictions d'Ebola les ont empêchés de payer de la nourriture pour leurs familles, de couvrir les frais de scolarité des enfants ou de rembourser les prêts.

Namande Agnes, 25 ans, vendeuse de produits alimentaires dans le district de Mubende, à 135 km de Kampala, témoigne avoir emprunté 450 000 shillings pour investir dans son étal en bordure de route. Mais elle a pris du retard dans ses remboursements après l'imposition des restrictions d'Ebola.

"Je souffre... la banque va venir prendre ma terre. La seule chose que (le) gouvernement devrait faire est de parler aux banques en notre nom", propose Namande Agnès, qui vend de la restauration rapide locale comme du poulet rôti, du plantain et des frites.

Nouveau coup dur

Allana Kembabazi, responsable de programme à l'ONG Initiative for Social and Economic Rights, soutient que les restrictions sont un nouveau coup dur pour les travailleurs informels qui viennent à peine de se remettre des fermetures de coronavirus et luttent contre la hausse de l'inflation.

"Vous ne pouvez pas imposer un confinement sans avoir réfléchi à la manière dont vous allez les nourrir, à la manière dont vous allez apporter un soutien aux travailleurs du secteur informel", a-t-elle déclaré.

"Le gouvernement a fait un très mauvais travail pour disposer de données permettant de savoir qui sont les acteurs du secteur informel, qui sont ceux qui (seront) les plus limités. Nous espérons que le gouvernement interviendra bientôt et reconnaîtra la situation difficile de ces personnes", a-t-elle ajouté.

Aide gouvernementale

Le ministre de la Communication, Godfrey Kabbyanga, a déclaré à Context que le gouvernement avait distribué des rations alimentaires dans les districts touchés par Ebola, et a souligné qu'il faisait également face à l'insécurité alimentaire dans d'autres parties du pays.

"Ce ne sont pas seulement les communautés touchées par Ebola qui avaient besoin de secours. Nous avons distribué ce que nous avions en tant que gouvernement", a-t-il déclaré.

Bien qu'il n'y ait pas de données officielles sur le secteur informel, certaines études suggèrent que les travailleurs tels que les chauffeurs de moto-taxi, les commerçants du marché, les ouvriers et les aides domestiques représentent plus de 75 % de la main-d'œuvre totale de l'Ouganda.

Selon les militants, une grande partie de ce travail est précaire, mal rémunéré et souvent dangereux, les travailleurs gagnant généralement moins que le salaire minimum, ne bénéficiant pas de congés de maladie ni de congés payés et étant vulnérables à l'exploitation par les employeurs et les autorités.

La pandémie de COVID-19 a frappé le plus durement les travailleurs informels dans le monde - et une personne sur deux dans les pays à faible revenu a vu ses revenus baisser, a constaté la société de sondage américaine Gallup.

Les restrictions liées à la pandémie y étaient plus longues et plus strictes que dans de nombreux pays voisins.

Une étude du ministère ougandais des Finances publiée ce mois-ci a révélé que moins de 5 % des entreprises informelles ont reçu une forme quelconque de soutien financier du gouvernement pendant la pandémie.

"Cela pourrait être attribué au fait qu'une grande partie du soutien gouvernemental pendant la crise visait principalement les entreprises formelles", indique l'étude.

Les militants pour l'égalité sociale pensent que le gouvernement devrait tirer les leçons de l'impact des restrictions liées au COVID-19 et à Ebola et renforcer le soutien aux travailleurs en dehors de l'économie formelle.

Les mesures pourraient inclure l'imposition d'un moratoire sur la reprise des véhicules utilisés pour les services de taxi ou l'octroi de prêts sans intérêt aux entreprises informelles, ont-ils déclaré.

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