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Le pouvoir du président Jacob Zuma ne tient plus qu'à un fil en Afrique du Sud


Le président de l'Afrique du Sud s'exprime à Johannesburg le 15 décembre 2017.
Le président de l'Afrique du Sud s'exprime à Johannesburg le 15 décembre 2017.

L'avenir du président sud-africain Jacob Zuma, contraint de mettre en place une commission sur la corruption à la tête de l'Etat, n'a jamais semblé aussi précaire au sein de son parti, le Congrès national africain (ANC), menacé de perdre les élections de 2019.

En l'espace de quelques semaines, Jacob Zuma, dont le second mandat présidentiel expire en 2019, a multiplié les déconvenues politiques et judiciaires, au point que les experts tablent déjà sur son départ anticipé.

"A de multiples reprises, on a prédit la chute de Zuma et contre toute attente, il a toujours survécu", rappelle l'analyste politique Susan Booysen, de l'université Witwatersrand à Johannesburg.

Mais "il y a désormais de nombreux éléments irréfutables et circonstanciés qui laissent à penser que c'est la fin pour Zuma", avance-t-elle à l'AFP.

Fin stratège, le président avait misé sur l'élection mi-décembre de son ex-épouse, Nkosazana Dlamini-Zuma, pour le remplacer à la tête de l'ANC. Mauvais calcul. C'est le vice-président Cyril Ramaphosa, qui avait axé sa campagne sur la lutte contre la corruption, qui l'a emporté.

Le tout nouveau comité exécutif national du parti, issu du congrès de décembre, s'est réuni pour la première fois mercredi, dans la ville côtière de East London (sud-est).

Officiellement, il ne débattra pas d'un départ de Jacob Zuma, a assuré le secrétaire général de l'ANC, Ace Magashule. Mais le sujet - brûlant - devrait être sur toutes les lèvres.

Il en a d'ailleurs été question, ce mercredi, au Parlement. Sur injonction de la justice, une commission a planché sur "la révision des règles" de destitution du président. Elle doit rendre sa copie mi-février.

- 'Baron de la corruption'-

Fin décembre, la Cour constitutionnelle avait reproché à l'assemblée de "ne pas avoir demandé des comptes au président", qui avait rénové aux frais du contribuable sa résidence privée.

Elle lui avait ordonné de "mettre en place un mécanisme qui pourrait être utilisé pour la destitution" du chef de l'Etat.

Pressé de toutes parts, M. Zuma a été contraint mardi soir d'annoncer la création d'une commission d'enquête sur la corruption au sein de l'Etat. Là encore, il s'est conformé - à reculons - à une décision de justice.

Il a expliqué avoir "pris conscience que cette affaire préoccupait l'opinion publique depuis quelque temps".

C'est peu dire. La corruption mine la présidence Zuma, et avec elle l'ANC, le parti de feu Nelson Mandela.

Un rapport officiel publié fin 2016 a révélé que M. Zuma agissait sous l'influence d'une sulfureuse famille d'hommes d'affaires, les Gupta, accusés d'intervenir dans la nomination de ministres.

Le président a reconnu être ami de la famille Gupta, mais nie vigoureusement les avoir favorisés de quelque manière.

L'association sud-africaine de lutte contre la corruption Outa a salué la création de la commission, tout en "exhortant Cyril Ramaphosa à ne pas attendre ses conclusions".

"Vous avez là une occasion de vous débarrasser, dans les semaines à venir, du baron de la corruption dans notre gouvernement. Nous vous demandons poliment d'en faire usage".

- Claque électorale -

Le Parti communiste sud-africain, membre de la coalition gouvernementale, n'a pas pris autant de gants. Il avait demandé en mars 2017 au président de démissionner. Il a renouvelé cet appel mercredi "dans l'intérêt de l'ANC et de l'alliance".

Plus inquiétant pour Jacob Zuma, le ton gronde aussi dans les rangs de son propre parti, divisé sur son sort.

Car la perspective, encore impensable il y a quelques années, que l'ANC perde les élections générales de 2019 devient de plus en plus plausible.

Les scrutins municipaux de 2016 ont déjà servi d'avertissement au parti, qui domine la vie politique depuis la fin officielle du régime d'apartheid en 1994. La corruption et la croissance en berne lui ont fait perdre des grandes villes comme Johannesburg et Pretoria.

En vue des élections de 2019, "ça n'aurait aucun sens électoralement de maintenir Jacob Zuma comme président", assure Colette Schulz-Herzenberg, de l'université de Stellenbosch. Son départ "pourrait même être une question de jours", avance-t-elle.

Selon la constitution, le chef de l'Etat peut démissionner, être destitué ou mis en minorité lors d'une motion de défiance. L'ANC peut aussi décider de le rappeler.

Le 8 février, Jacob Zuma doit théoriquement prononcer devant le Parlement son discours annuel sur l'état de la Nation. "Je ne vois pas comment il pourrait faire ce discours", estime Susan Booysen. "S'il reste président, c'est l'ANC qui ne survivra pas".

Avec AFP

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