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Le Nicaragua lassé du président Daniel Ortega


A boy walks by a dinosaur model wearing a face mask, during a partial lockdown to prevent the spread of the coronavirus, at the Museum of Natural History in Brussels, Belgium.
A boy walks by a dinosaur model wearing a face mask, during a partial lockdown to prevent the spread of the coronavirus, at the Museum of Natural History in Brussels, Belgium.

Pendant longtemps, il a joui d'un soutien populaire sans pareil, auréolé de son passé de guérillero: le Nicaragua semble désormais lassé du président Daniel Ortega, 72 ans, cible d'une vague de manifestations qui a fait au moins 43 morts.

L'étincelle qui a déclenché la colère le 18 avril, c'est la réforme des retraites qui instaurait une hausse des cotisations et une baisse des pensions.

Pour beaucoup d'habitants de ce pays - l'un des plus pauvres du continent américain -, le projet a été la goutte d'eau faisant déborder leur exaspération.

"Cela ne m'a pas plu car ils allaient prendre de l'argent avec lequel on peut acheter du riz ou du sucre, de l'argent dont on a besoin", raconte Gilberto Castillo, retraité de 61 ans et ancien guérillero ayant participé à la révolution menée par M. Ortega, à la tête du Front sandiniste, pour renverser la dictature des Somoza (1936-1979).

"Je suis sandiniste, mais je n'aime pas les injustices", ajoute cet homme qui a passé la nuit à veiller, machette à la main, devant une épicerie pour éviter les pillages, un travail qui complète sa pension de 175 dollars par mois.

>> Lire aussi : Plus de 20 morts lors de manifestations au Nicaragua selon une ONG

Ce ne sont pas seulement leurs dures conditions de vie qui ont suscité le courroux des Nicaraguayens: ils dénoncent aussi la confiscation du pouvoir par Daniel Ortega, au pouvoir depuis 2007 après avoir déjà dirigé le pays de 1979 à 1990, et sa femme Rosario Murillo, vice-présidente.

L'ancien guérillero paraît en effet avoir oublié ses idéaux révolutionnaires, exerçant un contrôle sans partage sur le gouvernement, l'armée et la justice.

Et le couple présidentiel bride les médias indépendants, censurant par exemple plusieurs télévisions privées au début des manifestations.

"Nous voulons la liberté parce que ce gouvernement nous opprime", dénonce à l'AFP Emelinda Blandon, 66 ans, venue manifester samedi, comme des milliers d'autres, en mémoire des victimes de la contestation.

"Le Nicaragua a besoin d'être libre", renchérit l'étudiante Susana Castellon, car "après tant de temps, nous sommes retombés dans la répression".

"Ca suffit!"

La population a longtemps accepté cette gestion autoritaire du président Ortega car il lui garantissait, grâce à un pacte avec les milieux d'affaires, une stabilité économique et un niveau de sécurité quasi miraculeux dans une Amérique centrale en proie aux gangs criminels.

"C'était quelque chose auquel on était habitué, mais cette fois on a décidé de se soulever. C'était le moment de dire +ça suffit!+", confie Yoshua Guevara, étudiant de 19 ans qui illustre cette nouvelle génération de Nicaraguayens qui veut plus que la stabilité et la sécurité.

Yoshua a été parmi les premiers étudiants à sortir manifester pour "un Nicaragua plus transparent". Il l'a fait, masqué pour ne pas être identifié, afin de défendre la pension de retraite de sa grand-mère de 67 ans.

Si les manifestations violentes ont cessé ces derniers jours, la colère ne retombe pas, notamment parmi les étudiants qui exigent une enquête indépendante sur les décès survenus.

Surpris par l'intensité de la vague de colère et les critiques de la communauté internationale, Daniel Ortega a multiplié les concessions, annulant la réforme contestée, relâchant des dizaines de manifestants interpellés et appelant au dialogue.

"Il a appelé au dialogue parce qu'il était coincé", a estimé dans une récente chronique l'écrivaine de renom Giaconda Belli, selon qui un tel dialogue n'est qu'un "mirage".

"Nous soutenons un dialogue qui ait pour objectif premier et le plus important la démocratisation du Nicaragua", a fait savoir pour sa part l'Institut d'études publiques stratégiques et politiques(IEEPP).

L'Eglise catholique s'est proposée comme médiatrice, donnant un mois au président pour négocier, et le secteur privé se dit prêt à participer. Pour l'instant aucune discussion n'est enclenchée.

La rupture est peut-être déjà consommée dans la population: "Que Daniel Ortega s'en aille, cela fait trop de temps qu'il est au pouvoir", clame Vida Zeledon, 45 ans, venue défiler ce week-end.

Le groupe d'opposition "Faisons la démocratie" appelle lui à "des élections libres et transparentes, organisées de manière anticipée" avant l'écheance de 2021.

Avec AFP

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