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Le ministre sud-africain des Finances poursuivi pour fraude


Le ministre sud-africain des Finances Pravin Gordhan réagit lors d'une conférence de presse à Sandton près de Johannesburg le 14 mars 2016.
Le ministre sud-africain des Finances Pravin Gordhan réagit lors d'une conférence de presse à Sandton près de Johannesburg le 14 mars 2016.

La justice sud-africaine a annoncé mardi qu'elle allait juger le ministre des Finances Pravin Gordhan pour fraude, une décision qui inquiète les marchés financiers et illustre les vives tensions politiques au sommet de l'Etat.

Lors d'une conférence de presse, le procureur général Shaun Abrahams a accusé M. Gordhan d'avoir donné son feu vert au départ à la retraite, dans des conditions particulièrement avantageuses, d'un haut fonctionnaire.

Selon les médias locaux, il est convoqué dès le 2 novembre prochain devant un tribunal de Pretoria.

Dans un communiqué, le grand argentier sud-africain a dénoncé un "harcèlement" et assuré qu'il ne démissionnerait pas.

Ministre des Finances de 2009 à 2014, Pravin Gordhan, 67 ans, avait été rappelé en urgence fin 2015 à son poste pour apaiser les marchés, inquiets de la décision du président Jacob Zuma de renvoyer deux titulaires du portefeuille en quatre jours.

S'il a rassuré les investisseurs, M. Gordhan s'est souvent opposé à M. Zuma et ses fidèles au sujet de la gestion des entreprises publiques, au coeur de plusieurs scandales impliquant le pouvoir.

Le ministre est soupçonné depuis 2014 d'avoir mis en place, au sein du fisc sud-africain (SARS) qu'il a dirigé pendant dix ans jusqu'en 2009, une unité qui aurait espionné des hommes politiques, dont l'actuel chef de l'Etat.

L'unité d'élite de la police sud-africaine, les fameux "Hawks" (Faucons), enquête depuis 2015 sur cette affaire. S'il a reconnu l'existence de l'unité du fisc incriminée, M. Gordhan a toujours affirmé qu'elle avait agi dans le cadre de la loi.

Les poursuites annoncées mardi ne concernent toutefois pas les activités présumées de cette unité, selon le procureur général. Cette partie de l'enquête est "toujours en cours", a-t-il dit.

Les charges retenues contre M. Gordhan remontent à son premier mandat aux Finances.

Lui et deux anciens responsables du fisc, Oupa Magashula et Ivan Pillay, sont accusés d'avoir "délibérément trompé" l'administration lors du départ à la retraite de M. Pillay, pour un préjudice de 1,1 million de rands (70.000 euros).

- Règlement de comptes -

"Le temps de l'irresponsabilité des responsables du gouvernement est révolu", a proclamé M. Abrahams, qui a assuré n'avoir subi aucune pression politique.

"Je n'ai pas demandé la permission au ministre (de la Justice) pour lancer ma convocation", a-t-il assuré M. Abrahams.

Ses propos ont été balayés d'un revers de main par M. Gordhan, qui a dénoncé une procédure "contaminée par des considérations politiques". "J'ai l'intention de continuer mon travail", a-t-il ajouté, "le combat contre la corruption, la mauvaise gestion et le gaspillage des ressources publiques continue".

Comme le ministre, de nombreux analystes ont souligné le caractère à leurs yeux éminemment politique de l'enquête.

"Le montant des dépenses irrégulières se chiffre chaque année en milliards de rands en Afrique du Sud (...) il est choquant que des charges aussi stupides que ça soient retenues", a réagi le professeur Mcebisi Ndletyana, de l'université de Johannesburg.

"Il ne s'agit là que d'une chasse aux sorcières", a ajouté M. Ndletyana, "à l'évidence, le président veut s'en débarrasser".

En avril, lorsque Jacob Zuma avait été condamné à rembourser l'argent public utilisé pour rénover sa propriété privée, M. Gordhan n'avait pas mâché ses mots. "Une fois que vos actions sont jugées contraires" à la Constitution, "on doit réaliser qu'on s'éloigne de son devoir de servir le peuple", avait-il lancé.

L'annonce des poursuites engagées contre le ministre des Finances, qui a la confiance des marchés, a été très mal accueillie par les investisseurs. Le rand sud-africain (ZAR) a dévissé de plus de 3% et s'échangeait dans l'après-midi à 14,26 ZAR pour un dollar.

"L'économie va inévitablement payer le prix de cette affaire", a noté Raymond Parsons, de l'université du Nord-ouest, mettant en garde contre une "baisse de la notation financière" du pays.

Au pouvoir depuis 1994, le Congrès national africain (ANC) de M. Zuma a pris en août, lors des élections locales, une sévère claque en perdant le contrôle de plusieurs villes emblématiques comme Johannesburg, la capitale Pretoria ou Port-Elizabeth (sud).

Le président Zuma doit céder sa place à la tête de l'Etat à l'occasion des élections générales de 2019 mais son autorité est de plus en plus ouvertement contestée au sein de son parti.

Avec AFP

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