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La mission de l'UE "met en question" l'élection de Bongo


Un couple regarde l'inauguration du président Ali Bongo à Libreville, Gabon, le 27 septembre 2016.
Un couple regarde l'inauguration du président Ali Bongo à Libreville, Gabon, le 27 septembre 2016.

Les observateurs de l'Union européenne (UE) sont revenus lundi au Gabon en expliquant pourquoi ils "mettent en question" la réélection d'Ali Bongo Ondimba lors du scrutin du 27 août, alors que l'opposant Jean Ping se proclame toujours "le président élu".

Les observateurs électoraux de l'UE ne vont pas jusqu'à satisfaire Jean Ping, qui demandent des sanctions contre Ali Bongo et ses proches. Leur rapport final formule onze recommandations urgentes pour les élections à venir, à commencer par les législatives, qui viennent d'être reportées de ce mois de décembre à fin juillet 2017 au plus tard.

Leur observatrice en chef, l'euro-députée Mariya Gabriel, a plaidé pour un "dialogue" pouvoir/opposition/société civile au Gabon, tout en convenant qu'"il y aura une suite politique" à son rapport du côté de l'Union européenne, sans préciser laquelle.

"Notre observation a mis en exergue des défaillances importantes du processus électoral", a déclaré Mme Gabriel lors de la présentation du rapport en conférence de presse.

Le rapport revient sur les "anomalies" survenues selon les observateurs lors de la centralisation des résultats, après le scrutin à tour unique qui s'est déroulé dans le calme le 27 août.

"Ces anomalies mettent en question l'intégrité du processus de consolidation des résultats et du résultat final de l'élection", indiquent les observateurs de l'UE, 73 au total, présents du 12 juillet jusqu'à fin septembre pour certains, à l'invitation du gouvernement.

Le 31 août, Ali Bongo avait été proclamé vainqueur (49,80% des voix) devant Jean Ping (48,23%), soit un écart minimal de 5.594 voix, selon des résultats provisoires dont l'annonce avaient provoqué des violences.

Les observateurs de l'UE ont dans le viseur l'une des neuf provinces, le Haut-Ogooué, fief électoral d'Ali Bongo. Le président sortant y a officiellement obtenu 95,47% des voix pour 99,93% de participation, inversant la tendance sur le reste du Gabon.

Les observateurs s'interrogent sur cette participation massive, rappelant que "le taux de participation au niveau national, sans le Haut-Ogooué, s'évalue à 54,24%".

Ils dénoncent dans cette province "un processus de consolidation particulièrement opaque", exemple à l'appui: "Le nombre d'abstentions et des bulletins blancs et nuls dans une seule des 15 Commissions électorales locales (CEL) de cette province est supérieure à celles annoncées pour l'ensemble des 15 CEL de la province".

Demande d'enquête sur les violences post-électorales

"Ce constat remet en question l'intégrité des résultats de la province", et donc le résultat final de l'élection sur tout le Gabon, développe le rapport.

Saisie par Jean Ping, la Cour Constitutionnelle avait validé la réélection d'Ali Bongo. La Cour avait même augmenté l'avantage du président sortant en annulant le résultat de 21 bureaux de vote à Libreville favorables à Jean Ping. Résultat: 50,66% des suffrages (172.990 voix) pour M. Bongo, contre 47,24% (161.287) pour M. Ping.

Là aussi, les observateurs de l'UE regrettent que les travaux de la Cour n'aient "pas permis de rectifier les anomalies" dans le Haut-Ogooué": "La confrontation des procès-verbaux, essentielle pour assurer la transparence et la confiance des parties prenantes, n'a pas eu lieu". Et les observateurs n'ont pas eu accès "aux phases techniques de recompte" des voix.

Manifestations, pillages, incendie partiel de l'Assemblée, répression, prise d'assaut du QG de Jean Ping, interpellation d'un millier de personnes...: l'annonce de la réélection d'Ali Bongo a provoqué des violences rares au Gabon, habitué à la paix civile.

"Entre les chiffres officiels et ceux de l'opposition, le décompte des victimes variait entre cinq et 100", souligne les observateurs de l'UE, qui souhaitent "l'ouverture d'une enquête objective et approfondie sur l'ensemble des violences électorales".

Parmi ces onze recommandations, la MOE suggère de "garantir l'accès non interrompu au réseau internet et aux réseaux sociaux y compris pendant la période électorale et post-électorale".

Internet a été totalement coupé au Gabon pendant quelques jours après le 31 août, puis la nuit de 18h à 06h00 jusqu'au 27 septembre, après la décision de la Cour constitutionnelle le 23 septembre.

"La MOE et ses membres ont fait l'objet de menaces", affirme le rapport. Ses membres avaient été placés sur écoute par les services secrets gabonais, avait révélé début octobre l'hebdomadaire français le Journal du Dimanche.

"C'est un rapport qui vient à point nommé au moment où le président de la République Ali Bongo vient de convoquer un dialogue politique", a estimé le ministre des Affaires étrangères Pacome Moubelet Boubeya, après sa rencontre avec Mme Gabriel en matinée.

Mme Gabriel devait remettre en fin d'après-midi le rapport à M. Ping, qui refuse toujours cette offre de dialogue politique lancée par M. Bongo.

Avec AFP

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