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La Cour suprême des Etats-Unis annule le droit à l'avortement, les Etats libres de l'autoriser


La décision va à contre-courant de la tendance internationale à libéraliser les interruptions volontaires des grossesses.
La décision va à contre-courant de la tendance internationale à libéraliser les interruptions volontaires des grossesses.

Dans une volte-face historique, la Cour suprême des Etats-Unis a enterré vendredi un arrêt qui, depuis près d'un demi-siècle, garantissait le droit des Américaines à avorter mais qui n'avait jamais été accepté par la droite religieuse.

Cette décision ne rend pas les interruptions de grossesse illégales mais renvoie les Etats-Unis à la situation en vigueur avant l'arrêt emblématique "Roe v. Wade" de 1973: il revient donc à chaque Etat de les autoriser ou non.

Compte tenu des fractures dans le pays, une partie des Etats, surtout dans le Sud et le centre plus conservateurs et religieux, pourraient les bannir à plus ou moins court terme. Par exemple, au Texas, dans l'Iowa et en Oklahoma, il existe déjà des lois "automatiques" qui entrent en vigueur dès l'arrêt de la Cour.

"La Constitution ne fait aucune référence à l'avortement et aucun de ses articles ne protège implicitement ce droit", écrit le juge Samuel Alito au nom de la majorité. Roe v. Wade "était totalement infondé dès le début" et "doit être annulé", ajoute le juge en fonction depuis 2006, quand il avait été nommé par le président républicain George W. Bush.

"Il est temps de rendre la question de l'avortement aux représentants élus du peuple" dans les parlements locaux, écrit-il encore.

Cette formulation est proche d'un avant-projet d'arrêt qui avait fait l'objet d'une fuite inédite début mai, provoquant d'importantes manifestations dans tout le pays et une vague d'indignation à gauche.

Depuis, le climat était extrêmement tendu autour de la Cour, où une imposante barrière de sécurité a été installée pour tenir les protestataires à distance. Un homme armé a même été interpellé en juin près du domicile du juge Brett Kavanaugh et inculpé de tentative de meurtre.

Au bilan de Trump

L'arrêt publié vendredi "est l'un des plus importants de l'Histoire de la Cour suprême depuis sa création en 1790", remarque le professeur de droit de la santé Lawrence Gostin. "Il est déjà arrivé qu'elle change sa jurisprudence mais pour instaurer ou restaurer un droit, jamais pour le supprimer", dit-il à l'AFP.

La décision va à contre-courant de la tendance internationale à libéraliser les interruptions volontaires des grossesses, avec des avancées dans des pays où l'influence de l'Eglise catholique reste forte comme l'Irlande, l'Argentine, le Mexique ou la Colombie. Un projet de loi dans ce sens est en cours d'étude au Liberia.

La décision de vendredi couronne 50 ans d'une lutte méthodique menée par la droite religieuse, pour qui elle représente une énorme victoire mais pas la fin de la bataille: le mouvement devrait continuer à se mobiliser pour faire basculer un maximum d'Etats dans son camp ou pour essayer d'obtenir une interdiction au niveau fédéral.

Elle s'inscrit aussi au bilan de l'ancien président républicain Donald Trump qui, au cours de son mandat, a profondément remanié la Cour suprême en y faisant entrer trois magistrats conservateurs - Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett - signataires aujourd'hui de cet arrêt.

Concrètement, celui-ci porte sur une loi du Mississippi qui se contentait de réduire le délai légal pour avorter. Dès l'audience en décembre, plusieurs juges avaient laissé entendre qu'ils comptaient en profiter pour revoir plus fondamentalement la jurisprudence de la Cour.

Les trois magistrats progressistes se sont dissociés de la majorité qui, selon eux, "met en danger d'autres droits à la vie privée, comme la contraception et les mariages homosexuels" et "mine la légitimité de la Cour".

Lois "zombies"

Selon l'institut Guttmacher, un centre de recherche qui milite pour l'accès à la contraception et à l'avortement dans le monde, 13 Etats disposent de lois dites "zombies" ou "gâchette": interdisant l'avortement, elles ont été rédigées pour entrer en vigueur quasi automatiquement en cas de revirement à la Cour suprême.

"Dans les prochains jours, semaines et mois, on devrait voir des cliniques fermer" dans ces Etats parfois très peuplés (Texas, Louisiane...), anticipe Lawrence Gostin.

Une douzaine d'autres Etats devraient suivre avec des interdits complets ou partiels.

Dans une partie du pays, les femmes désirant avorter seront donc obligées de poursuivre leur grossesse, de se débrouiller clandestinement notamment en se procurant des pilules abortives sur internet, ou de voyager dans d'autres Etats, où les avortements resteront légaux.

Anticipant un afflux, ces Etats, le plus souvent démocrates, ont pris des mesures pour faciliter l'accès à l'avortement sur leur sol et les cliniques ont commencé à basculer leurs ressources en personnel et équipement.

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