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Gabon : le "couvre-feu numérique" se poursuit depuis la présidentielle


Le président Ali Bongo Ondimba du Gabon, 10 novembre 2015.
Le président Ali Bongo Ondimba du Gabon, 10 novembre 2015.

"Quinze jours que ça dure!": l'accès toujours très perturbé à l'internet exaspère de nombreux Gabonais, dans l'attente fébrile des résultats définitifs de l'élection présidentielle du 27 août qui a plongé le petit pays d'Afrique centrale dans une profonde crise politique.

Une coupure totale de cinq jours avait suivi l'annonce de la réélection du président sortant Ali Bongo Ondimba d'une très courte avance sur son rival Jean Ping, qui revendique lui aussi la victoire et a saisi la Cour constitutionnelle.

La connexion est désormais partiellement rétablie de 06h00 (05H00 GMT) à 18H00, avant d'être coupée de nouveau dès la nuit tombée. En revanche, les réseaux sociaux comme Twitter, Facebook ou WhatsApp restent inaccessibles.

"On a réussi à faire pire que le Congo et on nous parle de démocratie...", ironise Raoul, médecin généraliste à Libreville.

Pendant la présidentielle de mars, Denis Sassou Nguesso, au pouvoir au Congo-Brazzaville voisin, avait, lui, coupé durant trois jours toutes les communications, téléphone inclus.

"La journée, le débit est tellement lent qu'on ne peut rien faire", enrage Steeve Ndong, directement touché en tant que gestionnaire de site pour une entreprise de téléphonie mobile, dont il gère le site internet.

"Les statistiques de la page que j'alimente sont au rouge: je suis à 600 vues/jour, alors que d'habitude c'est entre 6.000 et 10.000 vues. On perd beaucoup d'argent!", assure-t-il.

L'accès restreint à l'actualité ou aux discussions politiques enflammées pèsent sur la vie quotidienne des Gabonais, d'ordinaire très connectés, avec environ 60% d'utilisateurs d'internet dans le pays.

"Pour savoir ce qui se passe, il faut attendre les journaux télévisés du soir sur les chaînes internationales", se plaint Marie, étudiante, qui essaie en vain d'ouvrir la messagerie WhatsApp de son téléphone portable.

Certains, comme Laure, 23 ans, ont "anticipé" en installant sur leurs smartphones des réseaux privés virtuels (VPN) permettant de masquer l'origine de la connexion (le Gabon) et de contourner la "censure".

"On a quand même accès à Facebook, ils ne vont pas nous avoir comme ça!", se vante cette militante pro-Ping, persuadée que le gouvernement, qui n'a fourni aucune explication officielle, cherche à museler l'opposition.

Pays au ralenti

Interrogé par l'AFP, le ministre de la Communication, Alain-Claude Bilie-By-Nze, évoque simplement des "perturbations" sur le réseau.

"Nous en sommes tous victimes, comme tout le monde cela nous empêche de travailler normalement et on espère que ce sera rétabli rapidement", commente ce proche d'Ali Bongo, refusant d'y voir une quelconque volonté politique.

Dans l'attente des résultats définitifs qui doivent être proclamés d'ici le 23 septembre par la Cour constitutionnelle, le pays continue à vivre au ralenti.

"Le gouvernement essaie de nous faire croire que l'activité a repris normalement, mais c'est n'importe quoi!", s'agace Paul, cadre dans une banque de Libreville.

Nombre de Gabonais redoutent de nouveaux dérapages dans les prochains jours, après les émeutes meurtrières et les pillages sévèrement réprimés par les forces de l'ordre qui avaient éclaté dans plusieurs villes du pays à l'annonce des résultats par le ministre de l'Intérieur le 31 août.

Si le bilan reste flou - trois morts selon les autorités, quand Jean Ping parle de "plus de 50" personnes tuées - l'explosion de colère a laissé ce pays pacifique d'à peine deux millions d'habitants en état de choc.

Magasins, banques et administrations baissent leurs rideaux bien avant les horaires habituels. Vers 17h00, les rues animées du centre-ville se vident.

Les parents s'inquiètent également pour la rentrée scolaire, prévue début octobre. La rentrée au lycée français de Libreville, retardée par les troubles, a, elle, eu lieu vendredi.

Signe que la méfiance règne, plusieurs chefs d'entreprises et salariés contactés au téléphone par l'AFP refusent de faire le moindre commentaire sur leurs activités, affirmant être "sur écoute".

Conclusion d'une caissière d'un supermarché de la capitale: "Les Gabonais partent dans le ‘maboulisme’ (ndlr: perdent la tête)".

Avec AFP

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