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Éthiopie : un opposant oromo récemment libéré tué par balles


Le gouvernement fédéral n'a pas réagi à la mort de l'opposant Bate Urgessa pour le moment, mais les autorités régionales ont rejeté toute implication dans l'"assassinat".
Le gouvernement fédéral n'a pas réagi à la mort de l'opposant Bate Urgessa pour le moment, mais les autorités régionales ont rejeté toute implication dans l'"assassinat".

Un influent opposant éthiopien, Bate Urgessa, a été retrouvé mort mercredi matin, tué par balle, quelques heures après avoir été arrêté par des forces gouvernementales dans le centre de l’Éthiopie, a annoncé son parti, le Front de libération oromo (OLF).

Bate Urgessa, 41 ans, avait été libéré sous caution il y a un mois à peine, après 15 jours de détention consécutive à son arrestation à Addis Abeba en compagnie d'un journaliste français, Antoine Galindo.

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Mardi vers 17H00 (14H00 GMT), "Bate a été arrêté par des forces gouvernementales (...) dans un hôtel de Meki" puis "emmené immédiatement dans un centre de détention" de cette localité située à 150 km au sud d'Addis Abeba, dans l’État régional de l'Oromia qui enclave la capitale éthiopienne, a expliqué à l'AFP Lemi Gemechu, porte-parole de l'OLF, parti d'opposition légalement enregistré. Sa "famille a confirmé qu'il avait été découvert mort sur une route (...) des faubourgs de Meki" mercredi matin vers 09H00 (06H00 GMT) et ses proches ont constaté qu'il avait "été tué par balles", a-t-il poursuivi, sans avancer d'hypothèse sur les potentiels auteurs.

Il a aussi précisé ne pas savoir si les personnes ayant arrêté M. Bate appartenaient à des forces fédérales ou régionales. Le gouvernement fédéral n'a pas réagi pour le moment, mais les autorités régionales ont rejeté toute implication dans l'"assassinat".

"L’état régional de l'Oromia condamne avec vigueur le meurtre de Bate Urgessa, qui a été commis par une organisation inconnue", indique un message sur sa page Facebook officielle. Meki était la ville natale de Bate Urgessa. Ce dernier était un dirigeant de l'OLF, formation qui se veut un porte-voix de la cause des Oromos, le plus nombreux des quelque 80 peuples que compte l’Éthiopie.

"Exécutions extrajudiciaires"

Dans un communiqué, son parti a dénoncé un "assassinat brutal" et rappelé celui, en 2020, du populaire chanteur oromo Hachalu Hundessa, porte-drapeau de la communauté, dont le meurtre avait déclenché plusieurs jours de violence faisant plus de 200 morts. "Les meurtres extrajudiciaires injustifiés" de "figures politiques culturelles oromos" visent "à réduire au silence les Oromos depuis des années et des décennies", a estimé l'OLF, indiquant mener sa propre enquête sur la mort de son dirigeant.

La Commission éthiopienne des droits humains (EHRC) "réclame une enquête rapide, impartiale et exhaustive" sur la mort de M. Bate, "afin que les responsables rendent des comptes", a réagi sur X Daniel Bekele, chef de cette institution publique mais statutairement indépendante.

En 2022, l'EHRC avait mis en cause les forces de sécurité dans les "exécutions extrajudiciaires" en Oromia de 14 civils, membres du système Gada de gouvernance traditionnelle oromo. Directrice pour l'Afrique de l'Est de l'ONG Human Rights Watch (HRW), Laetitia Bader a demandé une "enquête crédible", rappelant que M. Bate avait été "de façon répétée détenu illégalement".

M. Bate avait connu les geôles éthiopiennes à plusieurs reprises, que ce soit sous l'ancien gouvernement de la coalition EPRDF (1991-2018) ou sous celui de l'actuel Premier ministre Abiy Ahmed qui lui a succédé. En 2022, il avait été remis en liberté pour raisons de santé après un an de détention.

Responsables emprisonnés

Le 22 février, Bate Urgessa avait été arrêté à Addis Abeba en compagnie d'Antoine Galindo, journaliste de la publication spécialisée Africa Intelligence, avec lequel il s'entretenait. Les deux hommes étaient accusés de "conspirer" avec des groupes armés pour "créer le chaos" en Ethiopie. Il avait été libéré sous caution le 6 mars, une semaine après M. Galindo.

Illégal et doté d'une aile militaire jusqu'en 2018, l'OLF a abandonné la lutte armée contre une amnistie, une reconnaissance légale et le retour d'exil de ses dirigeants, lors de l'arrivée au pouvoir de M. Abiy – lui-même oromo par son père – qui s'était accompagnée d'une ouverture de l'espace politique. Mais l'OLF accuse depuis le gouvernement de M. Abiy d'avoir fermé nombre de ses bureaux, entravé sa participation aux élections et emprisonné plusieurs de ses responsables, pour certains incarcérés depuis plusieurs années sans jugement.

Refusant d'abandonner les armes en 2018, une partie de l'OLF a fait scission et créé l'Armée de libération oromo (OLA). Classée "organisation terroriste" en Ethiopie, l'OLA combat depuis les forces fédérales ou affiliées au gouvernement régional en Oromia, la plus vaste et plus peuplée région d’Éthiopie, forte d'environ 40 millions d'habitants essentiellement oromos.

Le conflit en Oromia s'accompagne de tueries communautaires et aucun des deux camps ne semble enregistrer d'avantages militaires décisifs. Deux cycles de négociations sont restés infructueux.

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