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Encore une fois, ONG et migrants bloqués en Méditerranée


Les migrants se rendent au premier point d'enregistrement de la police fédérale allemande après avoir franchi le pont frontalier germano-autrichien du sud de l'Allemagne, le 27 octobre 2015.
Les migrants se rendent au premier point d'enregistrement de la police fédérale allemande après avoir franchi le pont frontalier germano-autrichien du sud de l'Allemagne, le 27 octobre 2015.

Deux ONG, une allemande et une espagnole, sont plongées dans un nouveau bras de fer avec l'Italie et l'Union européenne pour faire débarquer une petite centaine de migrants secourus mercredi et jeudi au large de la Libye.

Alors que l'Ocean Viking, le nouveau navire de SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF), s'apprête à appareiller pour la zone des secours au large de la Libye, l'Alan Kurdi de l'ONG allemande Sea-Eye et l'Open Arms de l'ONG espagnole Proactiva Open Arms sont passés à l'action coup sur coup.

Mercredi, l'Alan Kurdi a secouru 40 migrants originaires d'Afrique de l'Ouest, dont une femme enceinte de six mois, trois jeunes enfants, un homme blessé par balle et deux survivants du sanglant bombardement du centre de détention de Tajoura début juillet près de Tripoli.

Et jeudi, l'Open Arms a secouru 52 personnes, dont 16 femmes et deux bébés, retrouvées à la dérive sur une barque qui prenait l'eau et menaçait de chavirer, à mi-chemin entre la Libye et l'île italienne de Lampedusa.

Si l'Open Arms était encore dans la zone jeudi soir, l'Alan Kurdi se trouvait déjà au large de Lampedusa, à bonne distance cependant de la ligne des 12 milles nautiques (22,2 km) marquant les eaux territoriales italiennes.

Dès mercredi, Matteo Salvini, ministre italien de l'Intérieur et leader d'extrême droite, a signé un décret interdisant ces eaux au navire allemand. Selon son ministère, les ministres de la Défense et des Transports, tous deux issus du Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème), ont également signé.

Jeudi, il a annoncé avoir été informé d'un message du gouvernement allemand à la Commission européenne réclamant le débarquement des 40 migrants à Lampedusa, sous peine de ne pas prendre en charge 30 migrants prévus dans un précédent accord. Mercredi, une centaine de migrants bloqués depuis une semaine sur un navire des garde-côtes italiens avaient en effet pu débarquer en Sicile après un accord pour les répartir entre l'Eglise catholique italienne et cinq pays européens, dont l'Allemagne.

- "Chantage" -

"C'est un véritable chantage", a dénoncé M. Salvini en réaction au message allemand. "Cela confirme que d'autres pays européens considèrent l'Italie comme leur camp de réfugiés. Mais les choses ont changé. Nous n'acceptons plus les ordres et les invasions".

Il n'a pas été possible d'obtenir pour le moment confirmation à Berlin de la démarche du gouvernement allemand.

Les garde-côtes libyens ont proposé à l'Alan Kurdi de débarquer les naufragés à Tripoli, mais les ONG s'y refusent, faisant valoir que les migrants y risquent un nouveau cycle de détention, de violences et de tortures.

"Je les ai vus écorchés vifs, je les ai vues violées jusqu'à la paralysie", a témoigné Pietro Bartolo, ancien médecin de Lampedusa devenu eurodéputé (centre gauche). "Aucun être humain ne doit être ramené en Libye, aucun".

M. Salvini a pour sa part suggéré de conduire les migrants en Tunisie. Mais pour les ONG, Lampedusa est le "port sûr" le plus proche, dans la mesure où la Tunisie a régulièrement bloqué des migrants en mer avant de les rapatrier sans leur laisser le temps de déposer une demande d'asile.

Lors de sa dernière rotation au large de la Libye début juillet, l'Alan Kurdi, basé pour l'instant à Majorque, avait secouru un total de 109 migrants, qui ont pu débarquer à Malte.

Quelques jours plus tôt, Sea-Watch, une autre ONG allemande, avait pour sa part choisi de braver l'interdit et de débarquer de force ses migrants à Lampedusa. Si la justice a invalidé l'arrestation de sa capitaine Carola Rackete, le navire est depuis sous séquestre.

Pour l'Open Arms, la situation est encore plus complexe: après avoir bloqué le navire pendant trois mois au printemps, les autorités espagnoles ne l'ont laissé repartir que pour convoyer du matériel en Grèce, avec selon l'ONG la menace d'une amende de 200.000 à 900.000 euros s'il se rendait au large de la Libye pour secourir des migrants.

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