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En Ouganda, les routiers terrifiés n'osent pas passer la frontière sud-soudanaise


Des travailleurs déchargent les camions de fruits en provenance d'Ouganda à Gumbo Market Juba, 10 mars 2015. (Photo: G. Joselow / VOA)
Des travailleurs déchargent les camions de fruits en provenance d'Ouganda à Gumbo Market Juba, 10 mars 2015. (Photo: G. Joselow / VOA)

Des centaines des camionneurs sont stationnés sur une étendue de terre ocre à Nimule, dans le nord de l'Ouganda, refusant de passer la frontière par crainte d'être attaqués ou rackettés par des soldats qui profitent du chaos après les récents combats à Juba entre forces loyalistes et ex-rebelles. Entre autres conséquences : la famine et le manque des biens de nécessite dans leurs zones de tranaction.

"Je vais au Soudan du Sud depuis des années, mais cette fois-ci, c'est pire que tout: ils tuent les gens comme des poulets", s'inquiète Patrick Makau, routier kényan, jetant un regard dépité sur sa cargaison de milliers de bouteilles de bière destinées aux bars de Juba, la capitale sud-soudanaise.

Comme des centaines de collègues stationnés sur une étendue de terre ocre à Nimule, dans le nord de l'Ouganda, M. Makau refuse de passer la frontière, craignant d'être attaqué ou racketté par des soldats profitant du chaos après les récents combats à Juba entre forces loyalistes et ex-rebelles.

"On a une chance sur deux de revenir mutilé", assure à l'AFP Patrick Makau. "Nous voulons que les gouvernements ougandais et sud-soudanais prennent des mesures afin que nous puissions décharger ici".

Avant même cette nouvelle flambée de violence à Juba, la tension au Soudan du Sud était de plus en plus palpable, assurent les routiers, dont certains sont à Nimule depuis des semaines. Et alors qu'une poussière rougeâtre recouvre petit à petit les conteneurs paralysés, les routiers réticents à mettre les roues au Soudan du Sud écoutent avec horreur les récits de ceux qui en reviennent.

"Nous voyagions avec une escorte militaire, mais d'autres soldats sont sortis de la forêt et les ont tués", raconte Innocent Mutunga, 25 ans, assistant d'un chauffeur. "Le conducteur a perdu le contrôle du véhicule et le camion est rentré dans les arbres, j'ai sauté du camion et j'ai couru dans les buissons".

M. Mutunga dit ensuite avoir regagné l'Ouganda à la marche après s'être caché.

"Je ne sais pas où est mon chauffeur", soupire-t-il, en regardant, terrifié, les impacts de balle sur le conteneur blanc qu'ils transportaient et qui a été remorqué en Ouganda après l'attaque.

"L'un de mes collègues est revenu du Soudan du Sud hier, blessé par balle à la main et dans la jambe. Je ne sais pas si c'était des rebelles ou le gouvernement, nous ne savons pas, mais ils tuent des gens tous les jours", témoigne un autre chauffeur, Adam Wardere, âgé de 44 ans.

De vendredi à lundi, la capitale Juba a été le théâtre de violents combats, mettant en péril un accord de paix signé en août 2015. Le plus jeune pays du monde, indépendant depuis 2011, a plongé en décembre 2013 dans une guerre civile dévastatrice qui a fait des dizaines de milliers de morts et près de trois millions de déplacés.

Les récentes violences ont poussé des dizaines de milliers de personnes à quitter leurs foyers. Du côté sud-soudanais du poste frontière de Nimule, quelque 20.000 déplacés attendent que le Soudan du Sud leur ouvre la frontière pour fuir vers l'Ouganda.

Aide humanitaire précieuse

Malheureusement, regrettent les chauffeurs, les nombreux dangers pouvant surgir sur les routes sud-soudanaises compliquent l'acheminement de l'aide dans un pays où les trois quarts de la population ont besoin d'une aide humanitaire, selon le Programme alimentaire mondial.

"Je transporte du maïs pour le PAM" à destination de Rumbek, dans le centre du Soudan du Sud, explique Charles Lema, un routier ougandais de 52 ans. "Si le maïs reste trop longtemps dans le conteneur, il va pourrir".

John Wanjala transporte quant à lui des antibiotiques de l'Unicef. Il affirme qu'à certains endroits de la route Nimule-Juba, "les soldats de la SPLA (armée loyaliste) arrêtent les chauffeurs tous les 500 mètres" pour réclamer de l'argent.

"Ils se fichent pas mal de savoir si vos papiers sont en règle, ils disent que c'est leur pays et que vous devez payer". "Parfois, ils volent aussi du carburant et des téléphones".

A court d'argent, frustrés que leurs patrons ne répondent pas à leurs appels, les chauffeurs se sentent abandonnés.

Seuls les camions transportant du carburant semble bénéficier d'une attention particulière.

Selon Charles Lema, "des soldats sont venus au parking et ont dit aux camions transportant du carburant de s'éloigner de 25-30 kilomètres de la frontière, car il peut y avoir une attaque à tout moment et les camions citernes sont un danger".

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