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En Arabie saoudite, la culture numérique pour lutter contre l'extrémisme


Une femme avec son smartphone à Jeddah, en Arabie saoudite, le 28 janvier 2016. (H. Murdock/VOA)
Une femme avec son smartphone à Jeddah, en Arabie saoudite, le 28 janvier 2016. (H. Murdock/VOA)

Ce petit film a été diffusé sur YouTube par le Centre roi Abdel Aziz pour le dialogue national en Arabie saoudite (KACND), dans le cadre d'une campagne sur les réseaux sociaux pour contrer les messages extrémistes du groupe Etat islamique (EI).

Ces djihadistes affiliés à l'islam sunnite considèrent les musulmans chiites comme des mécréants.

Face à l'expansion de l'EI ces dernières années en Syrie, en Irak mais aussi au Yémen et en Libye, le KACND entend faire de cette campagne un instrument pour davantage de tolérance.

"Aujourd'hui, le principal défi est (de trouver) comment rivaliser avec les idées de l'EI", qui attirent les jeunes d'Arabie saoudite et de nombreux pays, explique à l'AFP Habib al-Chammari, du département des Relations publiques du centre.

Le royaume saoudien, l'un des pays les plus conservateurs au monde, est le berceau du wahhabisme, une version rigoriste de l'islam souvent accusée d'inspirer l'extrémisme sunnite, dont celui de l'EI.

Dans ce pays, les chiites, qui sont en minorité, se disent victimes de marginalisation. Depuis la fin 2014, cette communauté est la cible d'attentats meurtriers revendiqués par l'EI et l'exécution par Ryad d'un cheikh chiite respecté en janvier a également ravivé les tensions.

Pour Ali al-Chehri, chef du département Nouveaux médias du KACND, le dialogue national est une démarche pour prévenir la haine sectaire qui dévaste les pays voisins. "Nous tentons de protéger notre pays avant que quoi que ce soit de mauvais arrive", dit-il

- 'Enorme travail' -

Contre "la propagande" de l'EI, le KACND veut cibler les jeunes dans ce pays qui regarde le plus de vidéos YouTube par habitant, selon M. Chehri.

Quelque 128 personnes ont participé au dernier concours du centre, qui a offert 150.000 ryals (36.200 euros) aux cinq meilleurs courts métrages promouvant l'unité nationale et dénonçant l'extrémisme. Tous les films ont été mis en ligne sur YouTube.

"The Missing Meanings", de moins de trois minutes, a remporté le premier prix. Le film alterne les images d'un homme, écrivant à la lumière d'une bougie et des séquences de haine et de division.

Lorsque l'écrivain aborde la "compassion" et la "coexistence" prêchées par le prophète de l'islam Mahomet, la violence se meut en scènes d'union et de solidarité.

La campagne du centre va de pair avec des rencontres qui rassemblent enseignants, dignitaires religieux et simples citoyens.

"Je crois (...) que pendant 12 ans nous avons fait un énorme travail ici", ajoute M. Chehri en se remémorant les débuts difficiles, lorsque de nombreux dignitaires refusaient de participer aux débats, assurant qu'ils ne voulaient pas s'asseoir aux côtés de chiites ou de "libéraux".

Il rit en se souvenant d'un imam qui avait qualifié le centre de "fléau" pour avoir rassemblé les communautés, mais qui avait fini par rejoindre le dialogue.

- Une loi contre la haine -

Le KACND n'est pas le seul groupe saoudien à tenter de promouvoir le dialogue inter-communautaire.

Pour Jafar al-Chayeb, du forum culturel Thulatha basé à Qatif, dans l'Est du royaume, le travail de son groupe et d'autres complète celui du KACND, beaucoup plus riche et financé grâce à une dotation.

Selon lui, le concours de courts-métrages du KACND peut, comme d'autres programmes, apporter sa pierre à l'édifice mais le royaume a besoin d'une "stratégie gouvernementale claire" pour la cohésion sociale, ainsi que d'une loi contre le discours de haine "qui se développe dans la société".

Les guerres en Syrie et au Yémen ont exacerbé les discours d'intolérance, certains religieux voyant ces conflits à travers un prisme sectaire plutôt que politique, estime M. Chayeb. "C'est un problème auquel toute la région est confrontée en ce moment".

Le gouvernement a donné des directives aux imams contre le discours sectaire mais celles-ci ne sont pas toujours respectées, soutient-il.

"Les gens parlent encore de la tribu, de leur région, de leur secte au lieu de parler de la nation", constate M. Chayeb.

Selon Ibrahim Al-Mugaitib, président de l'ONG Human Rights First Society, le gouvernement n'est pas parvenu à entendre les appels répétés lors des sessions du dialogue national pour une loi contre la haine, particulièrement nécessaire sur les plateformes numériques comme Twitter.

Et de conclure: "Il faut une loi qui affirme aux gens que nous sommes tous égaux".

Avec AFP

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