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En Afrique, piratage et système D pour regarder les matches


Un ingénieur congolais sur son ordinateur à Kinshasa, le 25 février 2015.
Un ingénieur congolais sur son ordinateur à Kinshasa, le 25 février 2015.

Face à Blaise, bière à la main dans un bar de Nzeng Ayong, quartier populaire de Libreville, un écran et beaucoup de câbles autour: "J'avais mon décodeur Canal+, mais je suis passé chez beIN Sports pour la Coupe du monde, ca coûte moins cher!". Scène banale, mais illégale.

Blaise ne le savait peut-être pas, mais la chaîne beIN Sports n'a aucun droit de diffusion du football en Afrique subsaharienne francophone. Ici, des sociétés privées ont piraté son signal et le revendent à des téléspectateurs pas forcément au courant qu'ils regardent leur match favori illégalement.

"En tout cas, je peux regarder les matches. Après, c'est leurs histoires, pas les miennes!", sourit Blaise. Contacté par l'AFP, le groupe qatari n'a pas donné suite.

Pour son concurrent direct, Canal+, ces "histoires" lui coûtent entre 15% et 20% de son chiffre d'affaires en manque à gagner, affirme Mamadou Mbengue, directeur du groupe pour le Gabon.

"Canal+ a un quasi-monopole des droits de diffusion sportifs sur toute l'Afrique francophone subsaharienne, mais des entreprises font du piratage industriel. Pour eux, c'est gratuit, alors que nous, on a payé les droits!", dit-il. "Cela nous inquiète car ça impacte notre business. Il y a un risque que ça se passe comme au Maghreb: qu'à terme, on doive partir".

De fait, en Tunisie, en Algérie, au Maroc et en Egypte, beIN Sports est le seul diffuseur agréé pour la Coupe du monde.

Mais on y trouve toujours le logo noir et blanc du diffuseur français... En Algérie, les chaînes sont piratées à la source, par des téléspectateurs achetant dans le commerce des "démodulateurs" qui cassent le système de cryptage des diffuseurs.

"C'est du piratage", selon un vendeur d'une grande surface d'Alger. De tels appareils se vendent partout légalement, entre 100 et 150 euros, selon lui.

Le phénomène est largement répandu au Maghreb: dans la capitale économique du Maroc, Casablanca, un grand marché populaire considéré comme "la Mecque du matériel piraté" fait le bonheur des téléspectateurs.

"Piratage araignée"

Dans les pays d'Afrique où les équipes nationales se sont qualifiées pour la Coupe du Monde - Sénégal, Nigeria, Maroc, Tunisie - les chaines publiques ont toutefois acheté les droits de diffusion pour les matches de leur équipe.

Mais au Sénégal, un piratage "artisanal" s'est également développé. Conscient du phénomène, le Conseil national de régulation de l'audiovisuel (CNRA) avait, avant la compétition, mis en garde les opérateurs sénégalais contre "toute retransmission ou diffusion illégale des matches de la Coupe du monde", les menaçant de sanctions.

A Dakar, une bataille légale autour des droits de retransmission a aussi agité l'avant-Coupe du monde.

La télévision publique RTS a revendiqué les droits exclusifs de diffusion gratuite de 32 matches, mais une chaine concurrente, TFM, du chanteur Youssou Ndour, a affirmé avoir également signé un contrat pour leur diffusion. Une solution à l'amiable a finalement été trouvée, permettant à la RTS et à TFM de diffuser les matches.

Les tracas des diffuseurs ne sont pas pour autant résolus: à Dakar comme à Abidjan ou Yaoundé, "des jeunes des quartiers tirent des câbles, des branchements sauvages sur des antennes de Canal+, c'est le +piratage araignée+", explique M. Mbengue.

Coûts "trop élevés"

"Les coûts des droits de retransmission des évènements sportifs sont parfois trop élevés pour nos structures, cela explique en partie le piratage", estime Grégoire Ndjaka, directeur de l'Union africaine de radiodiffusion (UAR), pour expliquer le large piratage sur le continent.

L'ancien journaliste camerounais affirme recevoir "entre dix et quinze" coups de fil par jour depuis le début de la Coupe du monde: "cela vient du Ghana, du Cameroun, de Côte d'Ivoire... Ils me demandent tous d'agir pour que les acteurs locaux respectent les engagements et arrêtent de pirater".

"Et il y a même des télévisions publiques qui, par manque de moyens, s'adonnent au piratage", ajoute Béatrice Damiba, ancienne présidente du Conseil de la communication du Burkina Faso et présidente de l'ONG panafricaine Convergence, qui lutte contre ces pratiques.

Par un travail de sensibilisation en Afrique francophone, l'ONG essaie d'"informer les gens que c'est du vol!", selon elle.

En Afrique australe, la thématique des piratages industriels ou artisanaux de la diffusion de la Coupe du monde sont moins présentes. Le bouquet payant DSTV qui distribue les chaînes Super Sport y règne en maître et retransmet tous les matches.

Mais Béatrice Damiba accuse: "Il n'y a pas que le foot qui est piraté, il y a aussi la musique, le cinéma... et ça, ça concerne toute l'Afrique".

Avec AFP

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