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Egypte: bataille pour l'opinion entre pro et anti-Sissi sur la toile


Le président egyptien Abdel Fattah al-Sissi àSharm el-Sheikh, Sud Sinai, le 29 mars, 2015.
Le président egyptien Abdel Fattah al-Sissi àSharm el-Sheikh, Sud Sinai, le 29 mars, 2015.

Hashtags, contre-hashtags, déclarations rageuses sur les réseaux sociaux: la bataille pour gagner l'opinion fait rage en Egypte, à la veille de possibles nouvelles manifestations contre le président Abdel Fattah al-Sissi.

#Sissi_dégage, #Sissi_tu_es_fini d'un côté, #Vive_Sissi, #Ils veulent_le_chaos de l'autre: encouragés par les manifestations du 20 septembre dans plusieurs villes d'Egypte, les anti-Sissi se sont affirmés sur les réseaux sociaux, aussitôt contre-attaqués par les partisans du chef de l'Etat.

Seul espace encore disponible pour l'expression de la dissidence en Egypte où l'opposition a été réduite au silence, les plateformes comme Twitter ou Facebook ont connu un regain d'activité politique ces derniers jours.

C'est une série de vidéos postées sur Facebook par un entrepreneur égyptien en exil, Mohamed Aly, qui a poussé des centaines de personnes à manifester il y a une semaine aux cris de "Sissi dégage", avant d'être dispersées rapidement.

Les vidéos ont été relayées des millions de fois à la façon d'un feuilleton, sous le hashtag #la_nouvelle_vidéo.

"L'appel à de (nouvelles) manifestations pacifiques vendredi n'est pas un appel à la destruction, la dévastation et le chaos, mais un appel à l'espoir", a écrit mercredi depuis les Etats-Unis sur Twitter Essam Heggy, un scientifique égyptien travaillant à la Nasa.

En Egypte, le politicien pro-Sissi Mustafa Bakry a rétorqué en s'adressant sur Twitter au mouvement des Frères musulmans, jugé responsable du regain d'agitation, que "le peuple égyptien ne sera pas l'instrument pour votre retour au pouvoir".

- "Spontanée" -

Malgré l'activité intense des anti-Sissi en ligne, les réseaux sociaux sont davantage contrôlés aujourd'hui par les autorités qu'en 2011 lors de la révolte, déclenchée par des appels sur Facebook, qui a chassé Hosni Moubarak du pouvoir.

Peu après les manifestations du 20 septembre, l'application de communication Messenger et plusieurs sites d'information ont été perturbés.

La contestation "cette fois-ci n'a pas de leader, elle est spontanée", souligne Mustafa Kamel al-Sayed, professeur de Sciences politiques à l'Université du Caire.

"En 2011, il y avait de la mobilisation" via les réseaux sociaux, explique-t-il en évoquant la page Facebook "Nous sommes tous Khaled Saïd" du nom du jeune Egyptien torturé à mort par des policiers en 2010, l'un des événements déclencheurs de la révolte anti-Moubarak.

Aujourd'hui, c'est à l'étranger que l'actuel mouvement a pris son origine avec les vidéos postées en septembre par M. Aly depuis l'Espagne, accusant M. Sissi de corruption.

Majoritairement progouvernementaux, les médias égyptiens ont lancé une féroce campagne contre M. Aly, mais surtout contre le mouvement interdit des Frères musulmans.

Les chaînes basées à l'étranger et considérées comme proches de ce mouvement, comme Al-Jazeera du Qatar, ont également été visées par les médias proSissi.

Sur la chaîne saoudienne MBC Egypte, l'animateur Amr Adib a cherché à discréditer Mohamed Aly en diffusant des photos le montrant, selon lui, en état d'ivresse.

- "Derrière Sissi" -

Plusieurs artistes égyptiens, soutiens notoires de M. Sissi, ont participé à la contre-attaque sur les réseaux sociaux et dans les médias. Clips et vidéos d'acteurs ou de chanteurs se sont multipliés.

Parmi eux, la célèbre danseuse du ventre Fifi Abdou a mis sur Instagram un clip dans lequel elle attaque sans mâcher ses mots ceux qui veulent créer "le chaos".

Dans une vidéo d'un concert de la chanteuse Sherine Abdel-Wahab en Arabie saoudite lundi, partagé par des internautes, son époux affirme sur la scène au nom du couple: "nous sommes derrière" M. Sissi et l'armée.

En mars, cette vedette de la pop avait été interdite temporairement d'exercer par le Syndicat des musiciens, favorable au pouvoir, après avoir ironisé sur le manque de liberté d'expression. En 2018, elle avait été condamnée à six mois de prison puis acquittée en appel, pour avoir dénigré le Nil. Elle avait entre-temps présenté ses excuses.

Après les manifestations de la semaine dernière, des universitaires ayant critiqué le pouvoir sur Twitter et Facebook ont été arrêtés.

Au total, environ 1.900 personnes, dont également des avocats, des défenseurs des droits humains et des journalistes, ont été arrêtées selon deux ONG locales, le Centre pour les droits économiques et sociaux et le Centre égyptien pour les libertés et les droits.

M. Aly a lui continué à diffuser ses clips appelant les Egyptiens à manifester en masse vendredi.

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